Le plein régime du faux

Quand on peut en toute impunité traficoter un rapport de l’Inspection Générale pour protéger Stanislas, il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin. L’ère de la post-vérité libère les énergies inventives de la fraude et de la falsification.

Voici par exemple qu’on imaginait les établissements privés comme les diamants purs d’une « école sûre et protectrice »… quelle déconvenue, quel embarras ! Face à la réalité de tous les Bétharram de de France, que faire ? La réponse est audacieuse : reconstruire un narratif. Outre qu’il présente l’avantage de détourner l’attention vers les établissements publics, sa force est de nous faire entrer dans la fiction d’un volontarisme enfin assumé par le choix d’une mesure d’évidence, aussi simple qu’efficace: nous allons faire sortir la poussière de sous le tapis grâce au questionnaire anonyme  « brisons le silence » que nous ferons passer après chaque voyage scolaire pour agir contre les violences sexuelles.

D’une utilité purement hypothétique, quasiment inutilisable, ce questionnaire est aussi franchement problématique dans la mesure où il conduit surtout à susciter une suspicion généralisée à l’égard des professionnels de l’Education nationale, là où l’enjeu est plutôt de construire des liens de confiance. Utilité, utilisabilité et acceptabilité, il ne répond à aucun des critères auxquels se mesure la performance d’un outil pour ses utilisateurs. Mais peu importe, il n’est absolument pas conçu pour servir, en tout cas pas à l’objectif affiché. Le guide qui l’accompagne en résume très précisément la nature et la fonction: celles d’un pur objet de communication auprès des familles. Il est bon, et politiquement rentable sur des questions si vives pour l’opinion, d’entretenir l’illusion de l’action tout en nourrissant le besoin de son urgence.

Et nous voici, nous, fonctionnaires d’État, occupés à refourguer du toc et des contrefaçons, devenus revendeurs de sûreté fictionnelle et de protection en trompe l’œil.