« Grâce » à la covid 19, une réforme de fond de l’Education Nationale en vue ?

De la reprise en mai à……..

En zone verte, les élèves de 6ème et de 5ème dont les parents se sont portés volontaires ont repris les chemins des collèges. Formulée ainsi, cette phrase porte en elle un ensemble d’éléments étranges qui traduisent bien l’état actuel de l’école et de la société :

  • Zone rouge / zone verte
  • Enseignement distanciel / enseignement présentiel
  • Port du masque / gestes barrières

Pour les parents, c’est bien plus compliqué, car de nombreux éléments distinguent ceux qui ont souhaité – ou pas – que leurs enfants reviennent.

La préparation du retour des élèves s’est souvent faite dans des conditions difficiles. D’abord au prix d’une facture conséquente et non prévue dans les budgets des établissements. Elle ne sera pas supportable dans la durée, c’est certain et nécessite une prise en charge des collectivités voire, une aide de l’Etat.

Pour les personnels aussi, revenir n’est pas simple. Les risques psychosociaux sont palpables et certains de nos collègues fragilisés. Appliquer de nouveaux protocoles avec des virucides implique de revoir les plannings, avec l’accord des agents, bien entendu. On ressent chez eux la volonté de bien faire et le sens des responsabilités. Ceci dit, le nettoyage complet et quotidien d’un établissement en respectant strictement le protocole sanitaire est tout simplement impossible. Avec le retour prévisible des élèves de 4ème– 3ème et de lycée, les équipes ne vont pas pouvoir se démultiplier. Des choix d’alternance de semaines vont s’imposer massivement, pour un retour en classe qui aura duré finalement 4 jours au total pour les élèves de 4ème et de 3ème

C’est donc à une cascade d’éléments auxquels il faut penser, en croisant les doigts pour que tout se passe « normalement ».

…Une inenvisageable rentrée hybride en septembre 

Cette nouvelle norme : la volonté gouvernementale de rendre ordinaire ce qui ne l’est pas est également le sceau de cette période totalement folle que nous sommes en train de vivre. Le 19 mai, la députée Frédérique Meunier a déposé une proposition de loi visant à instaurer l’enseignement numérique distanciel dans les lycées, les collèges et les écoles élémentaires, avec un argument d’autorité de l’Union Européenne, selon laquelle « l’enseignement numérique distanciel […] amélior(e) la qualité de l’apprentissage (…) ». A peine le déconfinement est-il amorcé que sort du chapeau une proposition de loi sur l’enseignement en distanciel sans qu’il y ait la moindre étude d’impact sur la continuité pédagogique lancée le 16 mars, avec toutes les difficultés que l’on sait. Pire : certains corps d’inspection et Dasen distillent déjà l’idée que la rentrée de septembre pourrait bien se dérouler de manière hybride, alors même que chaque jour, le gouvernement donne des signes d’une réouverture plus importante des flux et des zones touristiques. On vivrait donc des vacances estivales « ordinaires » et l’école devrait appliquer des protocoles stricts à la rentrée ? L’hybridation ne serait donc qu’un prétexte à faire avancer contre vents et marées des réformes portées par des tenants d’un libéralisme débridé visant à déstructurer l’Education Nationale et à ouvrir grand la porte aux logiques privées.

Demandons-nous surtout ce que révèlent ces premiers jours de reprise des élèves, avant d’envisager quoique ce soit…

Les enseignants constatent qu’il faut reprendre les notions vues avec les élèves y compris avec ceux qui pensaient les avoir comprises. Ces derniers doivent bénéficier des explications des enseignants, en présentiel.

Ces retours sont indispensables, tout comme les interactions entre élèves qui constituent pour eux autant de points de repères dans la compréhension et l’assimilation des connaissances. Au final l’enseignement à distance a essentiellement maintenu le lien avec les élèves.

Non, madame Meunier, non monsieur le Ministre, l’heure n’est pas à l’inscription dans la loi de l’enseignement en distanciel alors qu’aucune évaluation de la période actuelle n’est programmée.

L’heure est à l’investissement dans l’Ecole :

  • Moyens de protection face à la pandémie (les masques, les produits sanitaires),
  • Moyens pour la formation et augmentation des emplois (encadrement, enseignement, administratif, socio-médical)

Laisser penser que la technologie résoudra l’ensemble des problèmes alors même que le climat anxiogène dissout le lien social est un mensonge. Ce sont justement ces liens, l’entraide qu’il faut soutenir et non pas l’individualisation qui accentue les discriminations et les inégalités sociales.

Rien n’est normal dans cette période : le ministre de l’Education Nationale ouvertement contesté dans une tribune publiée par de hauts fonctionnaires, cherche à instrumentaliser la crise pour déstructurer le ministère dont il a la charge. Soustraire des disciplines enseignées à l’École, en retirer des pans entiers, la réduire à des enseignements dits fondamentaux, reléguant ainsi les autres à des accessoires, nous est insupportable.

Renvoyer l’éducation des élèves à des formes de plus en plus individualisées comme le fait Jean-Michel Blanquer, qui favorisent l’isolement et des formes de déscolarisation ne pose plus simplement le problème du niveau scolaire mais de la souveraineté du peuple. Il est temps d’en avoir conscience.

Paris, le 26 mai 2020

Le Bureau national