Depuis plusieurs mois maintenant les personnels avec leurs organisations syndicales (FSU, CGT, SUD, CNT) et les parents d’élèves de la FCPE dénoncent les conditions qui sont faites aux élèves en Seine-Saint-Denis. Ce département, qui est le plus pauvre de France métropolitaine, est depuis des années sous doté en moyens humains, singulièrement dans l’ensemble des services publics.
Les besoins à satisfaire immédiatement ont été chiffrés à 5 000 emplois.
Le département de la Seine-Saint-Denis est emblématique des dysfonctionnements du système éducatif (on pourrait en dire autant pour la santé, la police, la justice). En effet, les enquêtes internationales le montrent, les inégalités de résultats scolaires sont très fortement corrélées aux inégalités sociales. De ce point de vue, on peut dire que le 93 cumule toutes les difficultés engendrées par les politiques de désengagement de l’Etat au service de la population.
A l’école, au collège, au lycée, à l’université, les inégalités sociales ne sont pas compensées par des politiques ambitieuses qui permettraient à chacun-e d’acquérir les savoirs nécessaires à l’exercice d’une citoyenneté pleine et entière.
Ce sont chaque année :
· Plusieurs milliers d’heures de classe qui ne sont pas assurées faute d’enseignants
· Des élèves en situation de handicap qui ne peuvent bénéficier de l’aide qui leur est due, faute d’AESH
· Un encadrement éducatif largement insuffisant au regard des besoins en termes de CPE, AED, AP
· Un service de santé scolaire exsangue
· Des assistants sociaux en nombre très largement insuffisant
· …
On pourrait continuer longtemps la liste tant les besoins éducatifs en personnels qualifiés sont importants et non satisfaits.
L’annonce du « choc des savoirs » a créé un véritable électrochoc tant chez les personnels que parmi les parents d’élèves qui, n’en déplaise à certains, mesurent tout l’enjeu pour leurs enfants de cette réforme qui ramène le collège cinquante ans en arrière et promet à leurs enfants une formation au rabais.
C’est dans ce contexte qu’une lutte s’est engagée au retour des congés de février alternant les journées de grève et de manifestations des personnels et des journées « école déserte » « collège désert » initiées par les parents d’élèves.
Le ministère refuse d’entendre les revendications exprimées. Comme c’est désormais son mode de fonctionnement, le gouvernement tente de passer en force.
Après 5 semaines de grèves et manifestations, c’est maintenant au tour des maires du département qui soutiennent le mouvement d’être assignés au tribunal administratif pour avoir enjoint le ministère à mettre en œuvre un plan d’urgence pour l’Ecole en Seine-Saint-Denis.
La ministre a finalement reçu une délégation pendant les congés et pour seule réponse « demande un délai d’un mois pour réfléchir».
Dans quel monde vivent ces gens qui nous gouvernent ? Comment imaginent-ils qu’il soit possible de réduire les inégalités scolaires en organisant une nouvelle ségrégation à l’intérieur même des établissements ? Comment travailler sereinement quand même des congés de maternité ne sont pas remplacés ? Comment travailler sereinement et accompagner les élèves quand les classes sont de plus en plus chargées (on est passé tranquillement de 24 maxi en éducation prioritaire à 26 auxquels il convient d’ajouter les élèves de l’ULIS et ceux de l’UPE2A) ?
C’est qu’il faut être solide pour ne pas se décourager face à l’immensité de la tâche ! Surtout lorsqu’on est débutant dans le métier, ce qui est le cas plus souvent qu’ailleurs !
Il ne suffira pas d’ajouter une prime d’attractivité pour que les conditions d’enseignement soient dignes d’un pays riche qui peut dépenser « un pognon de dingue » pour les intérêts privés et ne peut le faire pour investir dans l’avenir de la nation. Personne ne devra s’étonner que les jeunes aient du mal à investir pleinement notre devise républicaine, tant celle-ci est dévoyée dans nos quartiers populaires.