Projet de loi pour l’Ecole de la confiance

Concurrence et confiance : duo gagnant pour l’Ecole ?

Le snU.pden-FSU souhaitant participer à la réflexion relative au projet de loi sur « l’Ecole de la confiance » a interviewé Bertrand Sorre, élu LREM de la 2ème circonscription de la Manche. Membre de la Commission « Culture et Education », il est porteur de l’amendement sur les « établissements publics des savoirs fondamentaux ». Nous avons choisi de publier cette interview dans son intégralité, de manière à ce que chacun et chacune puisse se faire une idée des arguments à l’œuvre au sein de la majorité actuelle.

Sur le fond, notre syndicat n’est pas en accord avec cette nouvelle loi, qui institutionnalise la mise en concurrence des établissements. La preuve en est : dans sa première version, le texte de loi crée de nouvelles formes d’établissement publics (EPSF, EPLE-I), avec des modes de recrutement qui permettront aux parents bien informés de contourner la carte scolaire. Cette dynamique, que nous avons connue sous la présidence de Nicolas Sarkozy a mis à mal les établissements… et les collègues sous pression. Pour nous, l’objectif de l’Ecole républicaine ne consiste pas à opérer une forme de « sélection naturelle » des établissements entre eux. Nous savons bien qu’il existe des inégalités entre les territoires : l’Education Nationale ne doit pas les accompagner et les creuser, mais elle doit tout au contraire permettre aux élèves et aux familles de trouver sur l’ensemble du territoire des conditions assurant l’instruction et l’éducation de tous les citoyens.

Régulièrement, le Ministre de l’Education Nationale prône et vante l’innovation, comme si elle devait répondre absolument à tous les besoins de l’Ecole. Il suggère des propositions émanant du terrain, demande aux bonnes volontés de se mettre à l’œuvre. Pour quel résultat ? Chacun ira de ses propositions, de ses innovations, en détricotant de l’intérieur l’Ecole telle que nous la connaissons … ainsi que le statut de la Fonction Publique. Les cadres sont contraignants, c’est vrai, mais le sont-ils vraiment quand ils nous proposent des garanties, à la fois pour nous-mêmes, pour les élèves, les familles et pour la société ?

La politique à l’œuvre actuellement est clairement libérale :

  • en apparence, elle vise à diversifier l’offre scolaire et à proposer des structures adaptées aux réalités de terrain,
  • en réalité, l’objectif consiste à faire grossir les structures, y compris dans les zones rurales, de manière à opérer à terme des économies d’échelle. Cet objectif économique et managérial vise clairement à mettre en place la réduction de la dépense publique promise par le Président Macron.

D’ailleurs, à la fin de l’entretien, quand on remarque que les personnels de l’Education Nationale sont agacés voire lassés des réformes qui ne cessent de s’abattre sur notre institution, créant des formes d’incompréhension chez nos collègues, quand ce ne sont tout simplement pas des freins, la réponse du député de la Manche tombe comme un couperet : « C’est vrai qu’il y a une usure du métier et cela n’est pas uniquement dû qu’aux réformes. Ce que je vais dire ne va pas forcément plaire, mais avec la réforme de la Fonction Publique qui est en préparation, nous allons permettre la création de passerelles vers les autres fonctions publiques et ouvrir d’autres voies. » Autrement dit, si cela ne vous plaît pas, vous pourrez aller voir ailleurs, nous allons vous permettre de partir plus vite, avec le projet de loi sur la Fonction Publique.

Est-ce bien là « l’Ecole de la confiance » ? La massification de la contractualisation, l’augmentation prévisible de la charge de travail des équipes administratives, la pression accrue sur les équipes enseignantes et de direction à travers la culture de l’évaluation ne laissent pas présager un avenir radieux pour cette Ecole proposée par Jean-Michel Blanquer et Emmanuel Macron, loin s’en faut.

Pour le snU.pden-FSU, l’Ecole mérite mieux que ce projet de loi. Elle nécessite une réflexion approfondie sur les attentes de tous : usagers, personnels, élus, citoyens. A l’issue de celle-ci, pourra être mise en place une Ecole assurant à tous une formation permettant l’insertion professionnelle et sociale. Notre syndicat est prêt à participer à cette construction.

Paris le 30 avril 2019,

Le bureau national