L’ensemble des organisations syndicales de l’éducation avait demandé la banalisation de la matinée du lundi de la rentrée des vacances afin d’échanger en équipe pédagogique et de préparer ensemble l’hommage à Samuel Paty. Le ministère avait concédé après de longues discussions une rentrée des élèves décalée à 10h. Les chefs d’établissement, bien souvent en concertation avec les équipes, avaient organisé en cette fin de semaine la reprise de la classe en lien avec les collectivités locales.
Vendredi, le Ministre de l’Education Nationale est revenu sur ses annonces et nous a demandé de reprendre tous les élèves à l’horaire habituel.
Nous sommes en désaccord avec cette décision : vendredi 16 octobre, Samuel Paty a été assassiné, décapité, parce qu’il faisait son métier d’enseignant.
Le temps d’échange entre personnels en début de matinée est absolument indispensable.
Il est indispensable pour se retrouver, échanger et préparer l’hommage à Samuel Paty.
La décision du Ministre, motivée par des impératifs de sécurité, n’est pas tolérable. Des solutions avaient été trouvées. Elles doivent être maintenues.
A défaut d’une annonce ministérielle, le snU.pden appelle tous les personnels de direction à prendre ce temps lundi matin pour préparer comme il se doit le retour des élèves dans les établissements.
Un temps plus long de réflexion sur le fond des problèmes et des temps d’échanges et de réflexion avec les élèves devront être proposés ultérieurement pour travailler sur cette problématique complexe et essentielle pour notre Ecole et le devenir de notre Nation.
Confinement saison 2 : un « protocole sanitaire renforcé » inapplicable
Mercredi 28 octobre, le Président de la République a annoncé un nouveau confinement, jusqu’au 1er décembre, le deuxième, donc, en six mois. L’accueil de tous les élèves est « organisé » dans les établissements scolaires, ce qui ne permettra pas de respecter le protocole sanitaire publié dans la soirée du 29 octobre sur le site du Ministère de l’Éducation Nationale.
La lecture détaillée de ce protocole nous oblige à un certain nombre de remarques, qui n’iront pas dans le sens de la communication ministérielle. En effet, le protocole sanitaire y est présenté comme « renforcé pour assurer la protection de tous dans les écoles, les collèges et les lycées ».
Dans les faits, aucune mesure de renforcement n’est proposée. Compte tenu de la gravité de la situation sanitaire, nous pouvions légitimement nous attendre à accueillir les élèves en demi-groupes comme indiqué dans le plan de continuité pédagogique (hypothèse 1), ce qui nous aurait permis de gérer sereinement cette reprise. Or il n’en est rien. Nous devons accueillir tout le monde. Pire : le protocole publié jeudi soir détaille lui-même sa propre inefficacité.
- La règle de distanciation physique dans les espaces clos sera mise en place « lorsqu’elle est matériellement possible (…) entre l’enseignant et les élèves ainsi qu’entre les élèves quand ils sont côte à côte ou face à face ».
- Dans la restauration scolaire, « lorsque le respect de la distance d’un mètre entre élèves est matériellement impossible, il convient de faire déjeuner les élèves d’un même groupe (classe, groupes de classe ou niveau) ensemble et, dans la mesure du possible, toujours à la même table. Une distance d’au moins un mètre est respectée entre les groupes. »
Autrement dit, par rapport à la rentrée de septembre, quand les collèges ont choisi d’attribuer une salle à une classe, rien ne change. Les élèves sont agglutinés dans les salles alors même que flambe l’épidémie ! Si par malchance l’établissement ne dispose pas de table individuelle, les élèves resteront collés les uns aux autres.
Plus grave encore la situation dans les lycées pour lesquels l’application du protocole est tout simplement impossible étant donné la complexité des emplois du temps notamment due à la réforme engagée par M. Blanquer qui entraîne l’explosion de la notion de classe.
Quelle crédibilité pour l’École ?
Dans ces conditions, quelle crédibilité l’École peut-elle avoir pour les parents d’élèves ? Quel discours légitime les chefs d’établissement vont-ils pouvoir tenir aux parents qui vont contester la non-mise en place de ce protocole sanitaire, inapplicable dans les faits ?
Dès jeudi, les remontées des collègues allaient de la grande colère à l’abattement. IIs avaient déjà mal vécu le premier confinement, ont eu pas ou très peu de temps de repos cet été et sont encore sur le pont en cette période de vacances d’automne. Être chef d’établissement, c’est être garant de la sécurité des personnes et des biens. Encore faut-il que nous ayons les moyens de le faire, dans des circonstances que le Président de la République qualifie d’exceptionnelles. Que dire encore ? Que nous devons préparer une nouvelle rentrée dans un temps record, en plein milieu des vacances, sans pouvoir réellement consulter nos équipes ? Que nous connaissons tous dans notre entourage professionnel des collègues qui n’en peuvent plus de journées de travail qui n’en finissent pas pour arriver à recoller les morceaux et répondre à des injonctions descendantes impossibles à tenir ?
Une politique de tests à l’école ?
Nous tenons à alerter la profession sur un élément du discours du ministre de l’Education Nationale jeudi 29 octobre : « nous allons avoir une politique volontariste de tests pour les personnels, à l’école ou près de celle-ci ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? De quel type de test parle-t-on ? Qui va les organiser et selon quelles modalités ? Les infirmières scolaires ? Dans bien des collèges, du fait du retard pris sur les dépistages lors du premier confinement, elles ne savent plus donner de la tête. Les médecins scolaires, aux effectifs notoirement insuffisants, sont déjà bien sollicités par les cas de Covid.
Le compte n’y est pas !
Bref : pour cette rentrée des vacances d’automne, le compte n’y est pas. En accueillant tous les élèves, nous ne pouvons pas mettre en place un « protocole sanitaire renforcé ». C’est tout simplement impossible, et dire que ce le sera, est inadmissible. C’est inadmissible envers les personnels de direction et plus globalement envers les personnels de l’Éducation Nationale et les agents. C’est inadmissible envers les élèves et leurs parents. La République doit protéger ses enfants ; les directives que l’on nous donne et l’absence de moyens ne nous permettent pas de répondre à l’immense défi qui est le nôtre. Une nouvelle fois, l’Education Nationale est le parent pauvre de la République, comme l’ensemble des Services Publics, alors que des milliards vont être déversés sur les entreprises.
La communication ministérielle actuelle nous interroge au plus haut point. Tout n’est qu’affichage et faux semblants. C’est la valse régulière des ordres et contre-ordres. Cela doit cesser pour retrouver un pilotage conforme aux exigences des enjeux cruciaux du moment.
Bobigny, le 31 octobre 2020
Igor Garncarzyk, Secrétaire National du snU.pden-FSU