La DEGESCO a réuni un groupe de travail intitulé « climat scolaire / mesures pour une École sûre et protectrice » afin de recueillir l’avis des organisations syndicales sur deux éléments :
- les questionnaires du dispositif « Brisons le silence », proposés après chaque retour de séjour avec nuitée et trimestriellement pour les internes, censés favoriser la « libération de la parole » des élèves ;
- un document intitulé « Propositions de mesures pour une École sûre et protectrice », visant à « consolider notre ambition collective pour une École sûre qui protège et qui fédère ».
La FSU a rappelé que le climat scolaire ne peut être réduit à ces approches, qui semblent avant tout répondre à des polémiques médiatiques centrées sur l’enseignement privé. Réduire le sujet à une logique sécuritaire est une erreur d’analyse. Le climat scolaire repose sur les conditions d’enseignement, la qualité des relations entre élèves et personnels, la prévention, la confiance, et non sur une surveillance généralisée.
Questionnaires douteux, discrédit des personnels
Les questionnaires prévus sont problématiques:
Quel message envoie-t-on aux familles et aux élèves en les systématisant ? Ne risquent-ils pas de renforcer la suspicion envers les personnels ? La confiance entre l’Institution scolaire et les usagers n’est-elle pas fragilisée par ce type de procédures ? La volonté de répondre aux événements très médiatisés des scandales de l’enseignement privé ne doit pas entraîner l’opprobre sur l’ensembles des personnels de l’Éducation Nationale.
Comment d’autre part exploiter efficacement les informations recueillies anonymement ? Comment recueillir la parole des élèves concernés ? Avec quels personnels ? Selon quel protocole ?
Autant d’impensés dans les propositions de la DEGESCO.
Fixation sur la communication sécuritaire
Quant aux mesures dites « de protection », elles s’inscrivent dans une logique de contrôle extrêmement réductrice et à courte vue: l’exemple des fouilles aléatoires en est une illustration édifiante. Ces pratiques renforcent la stigmatisation sans effet prouvé sur la sécurité. La proposition syndicale d’inverser les priorités pour mettre au premier plan le respect et l’émancipation a été rejetée par le ministère, qui maintient une logique d’affichage contre-productive.
Moyens absents, promotion de l’existant comme nouveau
Certaines propositions, comme la justice restaurative pourraient être intéressantes, mais nécessitent des moyens humains que les établissements n’ont pas. Tous les acteurs constatent aujourd’hui le délabrement des services sociaux, médicaux, psychologiques dans les EPLE. À la question des moyens accompagnant ce plan, la DEGESCO a répondu sans détour : aucun. Les actions évoquées ne pourront donc reposer que sur les équipes existantes, déjà largement sous tension.
De nombreuses mesures avancées comme des innovations sont en réalité déjà mises en œuvre dans les établissements. Présenter ces pratiques existantes comme nouvelles, c’est nier le travail réalisé quotidiennement par les équipes. C’est aussi alimenter une image déformée de l’institution, en la faisant passer pour inactive.
Injonctions et inflation des protocoles
On voit également apparaître ce qui promet d’être le matraquage impératif de la communication de la rentrée : la généralisation de la « pause numérique » au collège. Mais avec quels moyens, quels personnels, quelle coordination avec les collectivités ? Là encore, aucune réponse concrète. Le risque est de créer des attentes irréalistes chez les familles, générant tensions et frustrations, à rebours de l’objectif annoncé.
La multiplication de nouveaux dispositifs de contrôle, protocoles, enquêtes et évaluations, viendront encore alourdir la charge des équipes et des personnels de direction sans bénéfice réel pour les élèves. L’obligation pour chaque établissement de réaliser une évaluation de son climat scolaire et de construire une politique sur cette base, ou encore la production de nouveaux modèles de règlement intérieur, sont autant d’exemples d’injonctions supplémentaires sans garantie d’efficacité.
Et pour quel projet de société ?
En somme, pour répondre à une urgence de communication, on risque de produire des dispositifs inopérants, générateurs de surcharge et de tensions. Ces pseudo-nouveautés, plaquées sans moyens ni concertation, renforcent le décalage entre discours ministériel et réalité de terrain. Pourtant, le besoin est ailleurs. Les jeunes vont mal, leur santé mentale se dégrade, et il faut pour y répondre une présence adulte qualifiée, des effectifs à taille humaine, des espaces d’écoute et des relations éducatives solides. Il faut des conditions d’études dignes, un cadre porteur de sens, la possibilité d’un projet de vie qui ne soit pas écrasé par la pression scolaire. Il faut développer la démocratie scolaire. Améliorer le climat scolaire suppose des choix politiques clairs, un projet de société. Ce n’est visiblement pas celui porté aujourd’hui.