Alambic et vieilles ficelles

Emmanuel Macron nous éblouit encore par un nouveau coup de poker disruptif. Il nous invite à participer au tournant du grand récit qu’il orchestre, au narratif d’un choix aussi patiemment mûri que génialement inspiré : celui de Michel Barnier, l’homme de la situation, héros de la négociation, figure de l’art des compromis. Voici apparemment l’homme qu’il nous fallait en ces temps où les équilibres politiques sont à construire…

Un tel récit est propice à l’éclosion des positions alambiquées dans le monde syndical, sur les thèmes de l’expectation à la fois charitable et vigilante, du bénéfice d’une confiance accordée a priori tempérée d’attention critique et de la responsabilité pour les partenaires sociaux de bâtir eux aussi des compromis pour préserver la solidité économique et la stabilité politique.

Pour autant, ce ne sera pas notre cas. Car ce lapin sorti du chapeau présidentiel fait plutôt surgir la désolante image d’un modèle ancien qu’on croyait remisé dans un coin du garage conservateur.

Ce choix, c’est en effet celui d’un refus du changement social et de la sécurisation des orientations politiques du macronisme. Abrité derrière le prétexte de la stabilité de l’exécutif, c’est en effet le rejet des mesures portées par la gauche et opposées à la politique libérale et aux intérêts qu’elle sert qui en constitue le motif : l’augmentation du Smic, l’abrogation de la retraite à 64 ans, la taxation des superprofits, la revalorisation des services publics.

En matière d’éducation, c’est le renforcement d’une école conservatrice et inégalitaire qui est à l’ordre du jour. La coloration politique prétendue du ministre qui en aura la charge est indifférente à la rigueur de ce principe. Dans ce domaine, Michel Barnier semble en effet très assuré et pas du tout prêt au compromis, et en tout cas bien parti pour poursuivre les dégâts de son prédécesseur à qui il a assuré qu’il tiendrait l’école parmi ses priorités.

Si on en juge par ses prises de position lors des primaires de la droite en 2021, il n’y a en effet rien de nouveau à attendre d’une conception de l’école compatible tant avec la politique macroniste qu’avec celle du RN : mise en avant des « fondamentaux », instauration « des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la suspension des allocations familiales », orientation vers l’apprentissage à 14 ans… Bref, les vieilles ficelles ne sont pas près d’être usées.

Nous ne tendrons donc pas la main à cette politique qui est à l’opposé de notre vision du système éducatif. Nous continuerons à combattre pour les vraies priorités de l’école : pour une amélioration des conditions de travail et d’apprentissage des élèves, pour une institution qui se donne les moyens d’être plus égalitaire, et pour d’autres pratiques de pilotage que les coups de com’ et les pantomimes autoritaires.

Bobigny, le 11 septembre 2024

Bureau national