On n’a pas encore essayé ? Un témoignage sur Mayotte.

J’ai été nommée principale du collège de T. dans le sud de l’académie de Mayotte pour la rentrée 2017-2018.

En novembre 2017, j’apprends que l’un de mes élèves de 3e a été « raflé » (selon l’expression locale qui en dit long…) par la PAF et envoyé directement au bout de 2h au CRA en bateau aux Comores malgré le certificat de scolarité que j’avais envoyé en urgence au CRA.

En mars-avril 2018, des barrages paralysent l’île, les parents refusent d’envoyer leurs enfants au collège pour agir « contre l’insécurité et l’immigration ». Des banderoles avec des slogans xénophobes sont déployés sur les routes. Des croix gammées sont taguées sur des panneaux d’entrée de village et ne sont pas effacées.

Je suis chargée par le vice-rectorat en février 2018 de préparer le TRM et la répartition de la DHG pour le nouveau collège qui est en construction dans la ville voisine de B. (ville qui bat tous les records de vote pour le RN à chaque élection au niveau national et dans laquelle des « décasages » – cases des comoriens brulées par les villageois mahorais – ont eu lieu massivement en 2016).

Début juillet 2018, le vice-rectorat me demande de me rendre à la mairie de B. pour apporter des précisions sur l’organisation de la rentrée dans le nouveau collège, sachant qu’en attendant la finalisation de sa construction, les cours se dérouleront sur le site de mon collège à T. et sur le site du collège de K.

Je me retrouve encerclée par six conseillers municipaux de la commune de B. qui me disent clairement qu’ils ne s’intéressent pas à l’organisation de la rentrée mais qu’ils exigent que les élèves « étrangers » qui sont d’après eux des « délinquants » se voient refuser la scolarisation au collège de B. Les conseillers municipaux se vantent d’avoir « décasé » des familles comoriennes et d’avoir refusé la scolarisation de plusieurs enfants dans les écoles primaires.

Je leur réponds que c’est le vice-rectorat qui affecte les élèves et que je suis une simple principale de collège. Ils insistent, je ne cède pas et j’adresse un rapport à la vice-rectrice pour transmission au ministère. J’ignore si ce signalement a été transmis.