Distracteur destiné davantage à capter l’attention qu’à construire une politique, le « choc des savoirs », s’il est vide par l’indigence morale et intellectuelle de son contenu, est pour autant porteur d’effets qui peuvent être considérablement délétères pour l’exercice de nos missions. Il y a, à s’y opposer, un enjeu qui touche à la définition même de notre identité professionnelle de cadres de l’éducation nationale et de personnels de direction.
On ne reviendra pas sur la logique de tri social qui l’inspire, en cohérence avec la politique conduite par l’exécutif. La politique du « choc des savoirs » met profondément à mal une pièce constitutive du fonctionnement des EPLE, à savoir l’autonomie pédagogique et éducative dans la mise en œuvre des objectifs fixés par la loi à travers la représentation nationale.
Car désormais, aux compétences et à l’expérience professionnelle, au sérieux de la recherche, se substitue la science infuse de l’éducation d’un Gabriel Attal qui, lui, a les solutions. Si l’Etat nous assigne des fins, Attal connaît apparemment les moyens, c’est du moins ce qu’il nous est imposé de croire et de défendre. Dès lors il ne reste plus qu’à les appliquer, les personnels de direction, devenus contremaîtres du management, étant à la manœuvre.
A rebours de cette vision de fonctionnaires-exécutants à laquelle le gouvernement veut nous réduire, nous voulons faire valoir celle de fonctionnaires-citoyens dans la continuité de la loi Le Pors qui a contribué autant à protéger les personnels qu’à garantir les conditions d’un service public de qualité. Affirmons notre spécificité de professionnels concepteurs de leur activité et saisissons-nous de l’autonomie que les textes nous garantissent en travaillant avec nos équipes à construire des choix collectifs intelligents pour former et éduquer ! Ce modèle, qui valorise les compétences du collectif au lieu de le mépriser, il est plus que jamais important de le préserver et de l’imposer.
La méthode appliquée pour le « choc des savoirs » s’inscrit bel et bien dans le cadre d’une offensive menée contre le fonctionnariat, dans l’esprit de la réforme annoncée à grands renforts de provocations par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Méfiante envers le pouvoir des collectifs, elle œuvre à imposer une pensée officielle, à discipliner l’encadrement et à soumettre ceux qui croient encore à leur statut de serviteurs du bien public.
Charge à nous, personnels de direction, de reprendre l’initiative avec nos équipes. Rappelons que notre devoir de loyauté est de loyauté envers l’Etat, pas envers le pouvoir et les ambitions politiques d’un premier ministre. Et surtout pas envers la politique d’un gouvernement qui ne se prive pas de faire preuve de déloyauté lorsqu’il cherche à reprendre les heures supplémentaires qui sont nécessaires au fonctionnement des établissements publics.
Au tri social organisé, sachons opposer l’usage de nos responsabilités citoyennes et de notre compétence à faire des choix. Tant qu’à faire des tris, autant sélectionner ce qui a une valeur pour la construction d’une société démocratique. Le « choc des savoirs » est une nuisance pour l’école et pour la qualité des services publics. Il est urgent de s’en débarrasser !
Le snU.pden-FSU appelle les personnels de direction à contourner le « choc des savoirs » et à reprendre les moyens de l’autonomie des établissements. Il appelle à participer à la journée d’action du 25 mai : mettre en échec ce projet, c’est défendre le service public d’éducation.
Bobigny, le 21 mai 2024
Bureau national