La période estivale a été marquée par de nombreux évènements.
Un nouveau drame
Un nouveau drame marque la période de congés d’été : le décès de notre collègue Stéphane Vitel, Principal du collège Laplace à Lisieux. Ce drame a affecté chacun d’entre nous provoquant une immense tristesse au sein de notre profession et des pensées de soutien pour les proches de Stéphane. Vient ensuite une colère, colère parce que nul ne doit mourir sur son lieu de travail. Quelles que soient les conclusions de l’enquête, la situation dans laquelle s’est trouvé notre collègue ne devrait pas exister. Nous alertons notre ministère et les collectivités depuis des années sur deux points essentiels. Les personnels de direction ne sont pas les gardiens des EPLE. Le fait que les personnels de direction soient logés par nécessité absolue de service n’implique pas la responsabilité de la sécurité des locaux H24, ni pendant la période de fermeture des EPLE. Les textes et protocoles devront très rapidement explicitement préciser ce point afin que les collectivités territoriales, propriétaires des locaux, en tirent toutes les conséquences. Nous pouvons également signaler dans de nombreux lieux l’insuffisance numérique et de moyens, notamment pour alerter et solliciter l’aide et le soutien des différents services publics en charge des secours aux personnes et lutte contre les incendies, et de la sécurité publique.
Des décisions doivent être prises pour pouvoir répondre immédiatement aux sollicitations et aux inquiétudes des personnels de direction, tout en garantissant que la sécurité des EPLE reste dans le champ des fonctions publiques, d’Etat ou Territoriale.
Colère encore parce que, quelle que soit la cause du décès de notre collègue, les accidents et les maladies imputées au travail se multiplient. La dégradation continue de nos conditions d’exercice par l’augmentation de la charge de travail, du stress au travail constituent des facteurs de risque pour la santé des personnels de direction qui laisse pourtant notre ministère indifférent, malgré nos alertes régulières. La carence absolue de médecine du travail, les conditions de préparation de cette rentrée en constituent deux illustrations.
Colère enfin car une fois de plus la communication de notre nouveau Ministre aux médias a été la seule et unique forme de communication. Pas un texte, pas un mot adressé aux personnels de direction par un canal institutionnel. M. Attal aurait pu marquer dans ce contexte dramatique le respect, la considération, du Ministre
Nous souhaitons que le décès de notre collègue soit commémoré, sur l’ensemble du territoire national, lors des réunions de rentrée par une minute de silence.
Des publications de textes réglementaires
La période estivale a également été marquée par la publication de plusieurs textes réglementaires nécessaires à la préparation de la rentrée scolaire : les textes sur le Pacte (27 juillet 2023) et sur le remplacement de courte durée (journal officiel du 8 août 2023).
Les dates de publication, à elles seules, montrent le peu de considération de notre ministère à tenir un calendrier compatible avec un travail porteur de sens dans les EPLE, mené dans un temps qui permette une véritable réflexion pour améliorer la réussite des élèves. Au-delà de ce premier constat, ces textes interrogent dans leur écriture et ouvre la porte à des évolutions extrêmement néfastes pour notre institution.
Concernant le Pacte, de nombreuses questions restent sans réponse explicite et aboutiront à des mises en œuvre diverses selon les académies et départements. Un seul exemple pour illustrer ce propos « La première mission… Sauf cas particulier, elle porte sur le remplacement de courte durée. » Quels sont ces cas particuliers ? Le premier paragraphe relevant bien le fait que l’engagement dans une mission est sur la base du volontariat des personnels, nous pouvons considérer qu’en l’absence de volontariat d’un personnel pour assurer la mission de remplacement, la première mission peut être autre.
Le rôle des personnels de direction dans le cadre de la note de service est de préserver la quotité estimée nécessaire pour assurer les RCD. Le fait que des volontaires acceptent ces missions RCD ne doit pas empêcher l’attribution d’autres missions.
Il sera essentiel en cette préparation de rentrée que les instructions locales ne dépassent pas les exigences des textes réglementaires ou notes de service ministérielles.
Concernant le décret sur le remplacement de courte durée, attention danger ! En effet, pour la première fois figure dans un texte réglementaire qu’un enseignant absent puisse être remplacé par l’usage d’outils numériques encadré par un assistant d’éducation. « Art. 5. – Les remplacements de courte durée sont prioritairement assurés sous la forme d’heures d’enseignement. Toutefois, pour assurer effectivement les heures prévues à l’emploi du temps des élèves, des séquences pédagogiques peuvent être organisées au moyen d’outils numériques. Ces séquences pédagogiques peuvent être encadrées par des assistants d’éducation. »
Une heure d’enseignement est considérée comme remplacée alors qu’encadrée par un non enseignant. Inadmissible !
Inadmissible pour deux motifs :
- Immédiatement un enseignant ne peut être considéré comme remplacé si un cours assuré par un autre enseignant n’est pas assuré ;
- A moyen terme ce texte ouvre la porte à des modalités de mise en activité des élèves considérées comme enseignement qui peut aboutir à des modalités compensatoires à l’insuffisance de recrutement enseignants qui seraient délétères pour nos élèves.
Nous connaissons la réponse de notre ministère à cette perspective : « ce n’est pas notre intention ». Actuellement non, mais dans un futur proche, ou sous une autre présidence ?
Ce texte montre également une méconnaissance du terrain : rares sont les établissements à disposer de plusieurs salles pupitres, avec un nombre d’ordinateurs et de casques permettant aux élèves de suivre à leur rythme une activité. Et qu’en sera-t-il si cette salle a déjà été réservée par un enseignant ? La classe de l’enseignant absent devient-elle prioritaire sur la classe de l’enseignant présent ?
Un changement de Ministre
Enfin dernier soubresaut de l’été que nous remarquerons ici, le changement de Ministre. Monsieur Attal dans sa première déclaration fixe trois priorités : savoirs fondamentaux, autorité et lutte contre le harcèlement.
L’autorité sera celle de l’Institution scolaire, elle ne pourra être que si l’institution s’en donne les moyens : des personnels en nombre suffisant, des personnels qui ont le temps de travailler collectivement, des personnels qui peuvent travailler dans des conditions décentes (effectifs, conditions matérielles, …). L’autorité sera celle portée par la capacité à agir en interinstitutionnel : services sociaux, police et gendarmerie, justice. L’autorité sera celle d’un système stable.
En aucun cas nous ne devons tomber dans la caricature de l’autoritarisme. Nous avons en charge la formation d’élèves, de futurs citoyens. L’autorité que nous exerçons doit être reconnue et perçue comme juste et légitime.
Nous pourrions développer cette même réflexion concernant le rapport aux savoirs qui eux aussi doivent permettre émancipation et accès à une citoyenneté éclairée et critique. N’abandonnons pas le terrain à une vision étriquée et restrictive des apprentissages.
Enfin le harcèlement, véritable préoccupation de tous les personnels, ici aussi c’est de temps, de personnels, dont les personnels de vie scolaire, de travail collectif dont nous avons besoin. L’usine à gaz du programme Phare, intéressant par certaines ressources ne peut suffire à masquer les insuffisances de notre institution dans ces autres composantes. La perte de postes d’AED dans de nombreux EPLE à cette rentrée illustre ce propos.
Une autre politique est nécessaire pour l’Éducation Nationale
La politique éducative menée par le Président Macron mène la jeunesse dans une impasse et affaiblit le Service Public de l’Éducation Nationale. L’enseignement professionnel en paie le prix fort. Nous avons besoin, notre République a besoin, d’une politique éducative qui dresse des perspectives ambitieuses, émancipatrices pour la jeunesse de notre Nation.
Monsieur le Président, faites confiance aux personnels de l’Éducation Nationale. Donnez-nous les moyens de réaliser notre travail dans des conditions satisfaisantes, nous savons le faire !
Bobigny, le 28 août 2023
Bureau national