Réforme du bac annoncée par Jean-Michel Blanquer : faire sauter le cadre national pour un bac local

Disons-le clairement : contrairement à d’autres organisations syndicales, nous sommes défavorables au renforcement du contrôle continu[1] pour le baccalauréat. Nous sommes parfaitement conscients du fait que les propositions du Ministre vont alléger les contraintes organisationnelles : disparition d’épreuves, moindre gestion des copies. Certains qui ne voudraient pas identifier les orientations politiques inégalitaires que provoquent ces évolutions seraient en droit de penser qu’il s’agit d’un progrès pour nos conditions de travail.

Qu’en est-il en réalité ? Est-ce un assouplissement ? Et au bénéfice de qui ? Assouplissement de l’organisation scolaire et de la gestion des examens, c’est un fait. Mais cette décision que prend le Ministre, sous couvert d’une pseudo consultation à travers le Comité de suivi, déstructure le cadre national de cet examen, renvoie une nouvelle fois les acteurs vers des adaptations locales. Bienvenu dans le bac maison, inégalitaire par essence. On voit vite poindre le risque de comparaison et de mise en concurrence accrue des établissements entre eux. C’est déjà le cas. Mais on assistera très vite à une accélération qui va pousser les familles à demander les établissements réputés et délaisser les autres.

C’est une philosophie libérale appliquée à l’Education et nous ne pouvons que regretter l’absence d’un front syndical sur ce sujet. Même imparfait, le baccalauréat avec ses épreuves terminales nationales, constituait un puissant facteur de l’égalité républicaine.

Le pire, dans cette histoire, c’est que le Ministre cherche une porte de sortie à l’organisation d’un baccalauréat dont il a voulu lui-même la réforme, toujours sans consultation du terrain. Où plus exactement, n’a-t-il pas créé les conditions du chaos pour pouvoir asséner le coup de grâce ? Finalement, en passant par le contrôle continu, en limitant les spécialités dans les établissements et en rétablissant les enseignements optionnels, le Ministère opère pour les lycées la même technique de profilage qu’il met en place pour les personnels.

On se trouve donc face à une nouvelle réforme du baccalauréat qui ne dit pas son nom, une politique des petits pas, petits pas allongés par la crise sanitaire, que le snU.pden dénonce depuis longtemps déjà. Cette réforme entraînera également son lot de difficultés : pression des évaluations perçues non comme facteurs de progrès au service des apprentissages et des enseignements mais uniquement dans leur fonction certificative, pression des élèves et des familles sur les établissements et leurs personnels,  introduction facilitée de hiérarchies intermédiaires dans les corps enseignants pour soi-disant renforcer l’équité des évaluations au sein d’un même lycée… Autant d’éléments complémentaires qui modifieront profondément les rapports entre enseignants et enseignés, entre personnels. Ce n’est pas ce modèle que nous voulons, ce n’est pas cette société dont il est le reflet que nous souhaitons.

Associé à Parcoursup, cette nouvelle dénaturation du baccalauréat, premier grade universitaire, rappelons-le, conduirait à plus d’inégalités sociales et scolaires, plus de concurrence entre établissements et personnels, plus de territorialisation des formations. Il est à craindre que les lycéens auront un diplôme qui ne leur permettra pas d’accéder aux études supérieures de leur choix. Déjà, des universités imposent des modules de « rattrapage » à certains bacheliers. Demain aura-t-on un examen d’accès aux études supérieures ? L’Egalité républicaine est mise à mal, un nouveau pas de géant vers une société encore plus concurrentielle et inégalitaire.

Jean-Michel Blanquer touche aux fondements républicains de notre école. Seule une réaction forte et massive pourra contrecarrer ce projet d’école, ce projet de société que nous récusons.

Igor Garncarzyk

Secrétaire national du snU.pden-FSU


[1] Plus exactement il n’y aura pas de contrôle continu mais la prise en compte des moyennes des élèves, ce qui n’est pas un contrôle continu