L’opération de communication du ministre de l’Education Nationale au lycée Chopin à Nancy, vendredi 13 décembre, n’a pas fonctionné. Jean-Michel Blanquer et Edouard Philippe ont fait face à une assemblée d’enseignants exprimant les difficultés du métier dont la souffrance au travail, le fait de ne pas être entendus par le ministre, tant sur les réformes passées que sur celles en cours. La stratégie jusqu’auboutiste du gouvernement qui s’appuie sur la réforme des retraites comme un levier visant à réviser en profondeur le métier des enseignants, a été également dénoncée. Séquence ratée pour les ministres : la communication ne suffit pas, il faut du concret aux enseignants. Pour atténuer la colère des secteurs mobilisés dans la grève, le gouvernement fait des promesses aux uns et aux autres, mais ne répond qu’aux policiers. Ils gardent leur régime spécial !!! Jean-Michel Blanquer fait de vagues promesses aux enseignants qui vont de 9 à 12 milliards sur 10 ans. Chacune des promesses faites aux différents secteurs cassent le sacro-saint principe d’universalité des retraites tant défendu par le Premier Ministre. Si le gouvernement peut sortir aussi facilement ces sommes de son chapeau, que ne le fait-il maintenant, en amendant le système de retraites actuel et en revalorisant les salaires de toute la fonction publique.
Un peu de politique fiction ?
Derrière cette réforme, il y a une question beaucoup plus politique : remettre en cause le statut des enseignants : pour garder un bon niveau de retraite, il leur faudra travailler plus avec de nouvelles missions. Dans les pas de l’Institut Montaigne, le ministre prévoit : bivalence, annualisation d’une partie du temps d’enseignement, obligation de remplacement dans l’intérêt du service*. Pourquoi pas un nouveau statut ? Celui-ci dans la lignée de la réforme de la FP prendrait la forme de contrats de mission, reconductibles en fonction des besoins ou de la masse salariale. On retrouve ici le principe d’individualisation des carrières, lequel permet de faire des économies d’échelle. Il renvoie chacun à sa responsabilité individuelle pour ses réussites ou ses échecs. En résumé, « si tu es pauvre, c’est de ta faute ; et si tu n’es pas plus riche, ce n’est pas la faute de l’Etat non plus : les budgets ne sont pas extensibles ». En creux, les missions des chefs d’établissement pourraient s’aligner sur celles des enseignants. Ils auront donc à arbitrer le futur salaire des enseignants et à faire face aux injonctions paradoxales qui leur seront gentiment lancées.
Le snU.pden-FSU tient à rappeler que si ces éléments venaient réellement à aboutir, il serait vain de croire que les chefs d’établissement eux-mêmes seraient épargnés par des mesures de contractualisation. Elles sont prévues dans la Loi de transformation de la Fonction publique et déjà mises en œuvre dans au ministère de la Culture, par exemple.
En quoi ces transformations seraient-elles préjudiciables ?
Disons d’abord que si le Ministère envisage de telles réformes et si elles sont (étaient,) accompagnées par certains syndicats, de notre profession, on assisterait à un complet changement de paradigme. Ainsi, les enseignants seraient directement mis en concurrence les uns avec les autres et récompensés en fonction de leurs projets ou de leur habileté à se faire connaître et reconnaître des équipes de direction. Comment le chef d’établissement choisirait-il les élus avec un budget chaque année plus contraint et resserré ? Au-delà du système lui-même, c’est ce qu’il induirait comme type de relations entre les personnes qu’il y aurait à craindre. En effet, un tel système faciliterait des rapports de domination. Les autres réformes en cours, en particulier celle du paritarisme, ne sont pas faites pour instituer des formes de contre-pouvoir dans les établissements et avec l’administration. C’est donc finalement des formes de démocratie dans notre société et des modèles que nous préparons pour nos propres enfants dont il est finalement question.
Que cherchons-nous, par nos mandats, quand nous défendons les collectifs de travail dans les établissements ? Faire émerger de nouvelles idées, permettre aux sensibilités de s’exprimer, de proposer des modes d’action afin de mettre en place certains aspects des réformes en cours. Instituer des systèmes dans lesquels les personnels seraient soumis à l’autorité des chefs (eux-mêmes soumis à l’autorité d’autres chefs dont ils seraient redevables de la reconduction de leurs contrats), c’est générer un climat de peur peu propice aux relations d’estime et de confiance. C’est prendre le risque de créer des motifs légitimes de rébellion ou bien de soumission. C’est piloter par la crainte et donner ce modèle aux générations futures. Qu’est-ce que cela signifie ? Que les élites pensent que la démocratie a fait son temps et qu’il faut encadrer le peuple et la jeunesse par de nouvelles formes d’oppression ? Que les changements climatiques mettront les humains en concurrence et que le régime des plus forts est en marche ?
Si tel était le cas, ce n’est pas le sens de l’action du snU.pden FSU. Les mandats votés lors du dernier congrès de la FSU sont très clairs sur ce point.
Samuel Lautru
Secrétaire national adjoint du snU.pden-FSU