Une diminution des pensions programmée
Conçue dans le droit fil du rapport Delevoye remis cet été au gouvernement, la réforme des retraites devrait être élaborée à l’automne pour être discutée par le Parlement dès le début de l’année 2020. Parce que cette nouvelle réforme concerne l’ensemble des personnels, il nous a semblé nécessaire d’apporter un éclairage sur l’impact qu’elle aura pour les futurs retraités.
Les principes sur lesquels s’appuie le rapport Delevoye suscitent légitimement beaucoup d’inquiétudes. Le premier d’entre eux est le cadre financier dans lequel la réforme s’inscrit. En effet, le rapport du haut-commissaire fixe comme impératif que les retraites ne dépassent pas 14% du PIB. Dès lors que l’on sait que les plus de 65 ans représenteront 25% de la population en 2035 contre 18,6% en 2015, on comprend bien que cette réforme aboutira de facto à une baisse du montant de toutes les pensions. Cet impératif constitue le cadre autour duquel un ensemble de mesures vise à faire entrer les futures retraites dans un cadre budgétaire contraint :
- Actuellement, le calcul de la pension sur les 25 meilleures années ou sur les 6 derniers mois et en référence à un certain nombre de trimestres permet d’évacuer les périodes les moins bien rémunérées, de précarité ou de chômage. Il instaure quelques éléments entre les actifs qui ont eu une carrière complète et ceux qui ont connu des interruptions de carrière pour des raisons familiales ou qui ont subi le chômage et la précarité.
- La réforme des retraites envisagée dans le rapport Delevoye ne prendrait plus en compte le salaire des 25 meilleures années ou sur les 6 derniers mois, mais toute la carrière. C’est pourquoi, même s’il est prévu que les primes soient intégrées dans le nouveau calcul des pensions, il n’est pas dit qu’elles compensent pour tout le monde les pertes prévisibles et en particulier pour les femmes fonctionnaires dont les carrières font l’objet de moindres promotions que les hommes. A noter que les primes seront soumises au même taux de cotisation sociale que les traitements.
- Le passage d’une retraite par répartition à une retraite par points constitue une autre source d’inquiétudes. Pour peu qu’on ait la chance d’avoir une carrière complète, comment les salariés pourront-ils connaître la valeur du point entre leur entrée et leur sortie de la vie professionnelle ? En outre, les règles d’indexation du point sur les prix ou sur les salaires montrent que les pensions théoriques peuvent varier considérablement…
- Un précédent : celui des régimes complémentaires AGIRC et ARCCO. Les salariés acquièrent deux fois moins de droits actuellement avec la même cotisation qu’en 1973. De plus les pensions versées ont diminué suite à la baisse de la valeur de service du point et une décote de 10% pendant 3 ans est appliquée aux salariés faisant valoir leur droit à retraite à l’âge du taux plein du régime général.
- La question de l’âge pivot de 64 ans sur lequel le Président de la République est revenu récemment pose également la question de la durée des cotisations, des décotes à envisager.
- Le dogme selon lequel l’allongement de la durée du travail serait légitimé par une espérance de vie plus longue est faux. En effet, si la France fait partie des pays où l’espérance de vie à la naissance est la plus longue (85,3 ans pour les femmes et 79,5 ans pour les hommes), c’est une affaire bien différente pour l’espérance de vie en bonne santé qui recule actuellement (64,9 ans pour les femmes et 62,6 pour les hommes).
- Autres droits rognés : les pensions de réversion avec un nouveau mode de calcul (valables uniquement pour les couples mariés, disparition de la réversion pour les décès en activité), les droits liés aux enfants.
L’ensemble de ces mesures, associées à une individualisation des carrières, une réforme de la Fonction publique, font peser de lourdes menaces sur ce qui constitue le pacte républicain, la solidarité entre les générations. L’incitation à cotiser pour des compléments de retraite par capitalisation, pour ceux qui pourront le faire, ne garantira même pas des montants de complémentaires sûrs et certains. L’effondrement de certaines de caisses de retraite aux Etats-Unis (Washington Mutual en 2008) en constituent un exemple prégnant et dramatique. Pour le secteur bancaire, la manne financière potentielle est énorme ; elle s’élèverait à 300 milliards d’euros…
Affilié à la FSU, le snU.pden-FSU partage plusieurs de ses propositions comme le maintien du Code Des Pensions, l’âge de départ à 60 ans avec 75% du revenu d’activité, la réforme des cotisations patronales, la taxation des produits financiers bruts des entreprises non financières et les produits financiers nets des banques, la suppression des exonérations des cotisations patronales qui ne créent pas d’emploi et qui tirent les salaires vers le bas…
Plus que jamais, l’engagement militant constitue un enjeu de société. Rejoignez le snU.pden – FSU pour combattre avec d’autres organisations syndicales ce projet de loi inique.
Paris, le 20 septembre 2019
Samuel Lautru et Anne-Marie Guichaoua