Les réformes engagées par le gouvernement : projet de loi de transformation de la Fonction Publique, réforme de la haute Fonction Publique, réforme des retraites, sont autant d’éléments d’une orientation politique qui vise à affaiblir la Fonction Publique et à rapprocher sa gestion de celle du privé.
Au prétexte soit d’uniformiser les systèmes, (réforme des retraites), soit de rendre plus « agile » la Fonction Publique (recours accru aux contrats, réduction du champ de compétences des structures paritaires,…), soit de moderniser la haute Fonction Publique (suppression des grands corps, de l’ENA, modification de recrutement à la Cour des Comptes et au Conseil d’Etat,…), c’est une véritable action de sape des fondements de la Fonction Publique qui est mise en œuvre. Ses conséquences ne se feront pas toutes sentir immédiatement mais l’architecture qui conduira inexorablement à l’affaiblissement de la Fonction Publique, du sens du bien commun et de l’intérêt général est en place.
Prenons l’exemple du renforcement de la contractualisation au détriment du recrutement par concours dans un cadre statutaire. Le fonctionnaire est au service de l’intérêt général et il est responsable devant la nation, contrairement au salarié de l’entreprise privée qui est lié à son employeur et donc à son intérêt particulier. Changement fondamental d’orientation renforcé par la création de contrats courts, assimilables aux contrats de chantier dans le secteur privé. Alors que le fonctionnaire peut et doit agir non pas en prenant en compte un intérêt particulier à court terme mais l’intérêt général à moyen et long terme, qu’en sera-t-il lorsque des personnes seront recrutées sur une mission particulière sur une brève échéance ? L’analogie avec des stratégies d’entreprises privées construites sur la recherche de profits immédiats pourrait illustrer les contradictions portées par cette évolution de la Fonction Publique.
Ce même questionnement apparaît dans la réforme des modalités de recrutement dans la haute Fonction Publique, par exemple par le fait que le classement ne permette plus le choix par le fonctionnaire de son poste, mais que celui-ci soit recruté sur profil et parfois pour une mission à durée déterminée. La volonté politique de fermeture de services, de réduction d’effectifs, pourra alors être menée par le recrutement de la personne qui viendra effectuer cette mission. Dans ce domaine également nous pouvons matérialiser les conséquences, par exemple dans la politique menée chez Orange qui conduit aujourd’hui certains de ses dirigeants devant les tribunaux.
L’affaiblissement du champ de compétences des commissions paritaires, le renforcement des pouvoirs de la hiérarchie de proximité, auront pour première conséquence d’affaiblir les solidarités collectives, d’individualiser le traitement des carrières, de renvoyer au salarié la prise en charge de sa défense. Ces constats sont accentués par l’introduction de nouvelles sanctions disciplinaires à la discrétion du supérieur hiérarchique, sans passer par l’avis des commissions paritaires. Pour l’Éducation Nationale, si nous relions les évolutions précédemment décrites à l’article 1 du projet de loi « Pour une école de la confiance » qui inscrit la notion d’exemplarité dans la loi, alors que ce concept est, sur le plan juridique, bien flou et peut être interprété de bien des manières, nous ne pouvons qu’alerter sur les risques de renforcement de décisions arbitraires au détriment des personnels.
Il en est de même pour la réforme des retraites qui entraînera une individualisation renforcée des parcours professionnels par la « course aux points ». C’est pourquoi nous sommes attachés au maintien des pensions et du code qui les régit.
Notre attachement à la Fonction Publique de carrière n’est pas uniquement liée à la protection des fonctionnaires mais également et surtout à son caractère inextricablement lié au fait qu’être inscrit dans une carrière statutairement et réglementairement définie permet au fonctionnaire de se centrer sur le service rendu, sur l’intérêt général et non à son intérêt particulier à valoriser dans le cadre d’une contractualisation. C’est bien la notion de carrière au sein de la Fonction Publique, du recrutement à la retraite, qui permet au fonctionnaire d’exercer en fonction de l’intérêt général avant de penser à son intérêt particulier.
Concernant les conséquences sur notre profession, elles pourraient être importantes. Nous vivons et percevons déjà les évolutions de notre métier liées et aux modalités de gestion de notre corps (lettre de mission, opacité des opérations de gestion du corps,…) et aux évolutions des modalités de recrutement des personnels placés sous notre autorité : enseignants et personnels d’administration ou de gestion contractuels, AED, AVS,…
La construction du statut de 1946 a posé les bases du fonctionnaire-citoyen (qui pourrait être opposé au fonctionnaire-sujet qui était précédemment dominant). Notre métier et nos relations aux agents sont encore largement fondés sur les principes d’égalité, de neutralité, d’indépendance et de responsabilité. Les orientations actuelles de la loi de transformation de la Fonction Publique sont contradictoires à ces principes : égalité/individualisation, neutralité et indépendance/contrat et recrutement local, responsabilité/soumission à la hiérarchie directe.
Les évolutions parfois envisagées du statut des EPLE, ou le remplacement du classement des EPLE par un dispositif plus discriminant des établissements participent de cette même orientation vers une plus grande individualisation des carrières et des rémunérations.
Ce serait alors un tout autre métier, des relations professionnelles transformées, un tout autre cadre de référence que ce que nous connaissons actuellement et ce vers quoi les évolutions de la Fonction Publique nous ont amenés par l’élaboration des statuts de 1946 puis 1983.
Le snU.pden-FSU réaffirme son attachement au maintien du statut et au recrutement de fonctionnaires dans le cadre de la Fonction Publique de carrière, dans l’intérêt des usagers, des personnels et de la Fonction Publique.
Paris, le 13 juin 2019
Le bureau national