La réforme des retraites : prochain chantier du Président de la République

Après la réforme de 2013 portée par le président Hollande et certains économistes dont Thomas Piketty, une nouvelle réforme des retraites se profile à l’initiative du Président de la  République. Celui-ci a confié une mission à J.P Delevoye, Haut Commissaire à la Réforme des Retraites. Sous sa présidence, le Haut Commisariat à la Réforme des Retraites (HCRR) a organisé des rencontres avec les différentes parties prenantes dont les organisations syndicales. La FSU a participé aux travaux.

Le projet de loi qui devait être étudié avant les élections européennes, est reporté en octobre, le HCRR devrait rendre son rapport fin juin – début juillet.

Aujourd’hui, circulent de nombreuses informations dont certaines sont démenties immédiatement quand d’autres perdurent.

Quelles sont les grandes lignes de ce projet à l’heure actuelle ?

Il serait prévu la mise en œuvre d’un âge « d’équilibre » pour le départ en retraite (63 ans ? Plus?) qui entraînerait la mise en place d’une décote spécifique pour tout départ avant cet âge. Celle-ci serait supportée par le salarié tout le temps de sa retraite. Elle s’ajouterait à celle déjà appliquée si le salarié n’a pas la totalité de ses annuités d’assurance.

L’allongement de la durée d’assurance devait être mis en place à partir de 2025 mais il semble qu’il serait envisagé de le faire avant. Les générations 1958,1959 et 1960 devraient cotiser 42 ans tandis que celle de 1961 cotiserait sur 42,5 ans.

Une réforme systémique devrait être mise en place en 2025. Il s’agit d’une retraite par points. Le point aurait une valeur d’acquisition et une valeur de service. Les cotisations salariales auraient un taux de 11,2% et seraient appliquées aux revenus jusqu’à 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (121 572€ pour 2019). Pour le montant supérieur, un mécanisme spécifique serait mis en place. Les cotisations seront transformées en points acquis chaque année puis comptabilisés dans un compte personnel. La valeur d’acquisition serait connue chaque année et évoluerait selon l’inflation. La valeur de service ne serait connue que lors du départ en retraite puisque réévaluée selon la masse salariale, l’espérance de vie de la génération concernée et la croissance économique. Si l’emploi chute, il en sera de même pour la croissance et l’impact sur les pensions sera immédiat.

Ce système s’apparente à celui en vigueur pour l’ARCCO et l’AGIRC. Les retraites versées par ces organismes ont diminué au cours du temps suite à la baisse de la valeur de service du point. C’est aussi le système en vigueur en Suède et là aussi les montants des retraites ont baissé de façon importante, à deux reprises les 20 dernières années suite au ralentissement de la croissance, ce qui a amené le gouvernement à mettre en place un régime complémentaire par capitalisation. Il n’en n’est pas question à l’heure actuelle mais cela peut bien sortir sous peu.

La mise en place de cette réforme va entraîner la disparition du code des pensions comme annoncé par le premier ministre dans son discours de politique générale du 12 juin dernier. Le nouveau calcul serait « amorti par des primes de fin de carrière pour certains dont les enseignants ». Ainsi les fonctionnaires relèveront de la règle commune annoncée par le président de la République : « un euro cotisé ouvre les mêmes droits ».

Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE a déclaré en 2013 : « Les salariés devraient choisir individuellement entre baisse de leur pension et report de l’âge de la retraite. Mais, à l’âge de 59 ans, seuls 40 % des salariés sont encore actifs. Dans un système qui n’assurerait un niveau de retraite satisfaisant qu’à ceux qui pourront travailler jusqu’à 65 ans, les autres se retrouveraient avec une faible pension. »

A côté de la pension, il existe d’autres éléments comme les droits familiaux, les pensions de réversion… Ces éléments seraient pris en compte selon de nouvelles règles.

Des éléments non retenus aujourd’hui pourraient l’être comme la prise en compte des années d’études, des périodes de formation, stages, chômage, etc… Ces pistes ne sont pas encore finalisées à l’heure où ces lignes sont écrites.

La remise en cause par le Président de la République des différents systèmes de retraite en vigueur aujourd’hui sous couvert de « justice sociale » a un seul objectif : diminuer la part des richesses produites en France consacrée aux pensions. Cette part est aujourd’hui de 14% du PIB et pour les tenants libéraux c’est de trop.

De plus cette réforme fera des perdants : les salariés aux carrières hachées ou incomplètes (principalement les femmes), les actuels retraités qui vont se paupériser. Ceci a été constaté officiellement en Suède en Mars 2017 où 92% des suédoises ont touché des pensions inférieures à celle de l’ancien système contre 72% des hommes. (Challenges 10/10/18) et 16,8% des plus de 65 ans vivent sous le seuil de pauvreté (1165€ par mois) ainsi que 24,35% des plus de 75 ans.

Ce projet de réforme va être mis en place au pas de charge puisque le Président de la République a décidé d’ignorer le signal envoyé lors des récentes élections européennes.

Pour le snU.pden FSU, il en va autrement. Nous ne pouvons accepter que soit mis à mal notre système de retraite pour de faux motifs dont celui du financement. Celui-ci est tout à fait possible sous réserve de développer les emplois. Aujourd’hui, plus de 5 millions de personnes sont au chômage ou condamnées à des emplois précaires voir très précaires. Une autre piste est celle de l’augmentation des salaires qui permet des entrées de cotisations. Il faut également abandonner les allègements de cotisations sociales largement accordées aux employeurs, d’abord sur le SMIC, solution contre productive enfermant les bénficiaires dans la pauvreté, ensuite le CICE…. Enfin, tous les revenus doivent être mis à contribution dont les revenus des valeurs mobilières, ceux-ci sont une source importante de rentrées fiscales..

Seule une mobilsation interprofessionnelle et intergénérationnelle pourra peser sur le projet gouvernemental.

Paris, le 12 juin 2019

Anne-Marie Guichaoua