La philosophie du Portique

Après le drame survenu à Nantes, Bruno Retailleau s’est empressé d’endosser la panoplie du restaurateur d’ordre et de la compléter avec les bons accessoires : fouilles à l’entrée des établissements scolaires, fantasme d’un policier derrière chaque élève et portiques de sécurité.

Il ne fallait surtout pas manquer l’occasion de vendre la rengaine sécuritaire : reconstruire l’autorité, refaire les hiérarchies, réapprendre l’ordre. L’institution scolaire serait minée par le laxisme, la déconstruction des interdits, le tout bien sûr sur fond d’« ensauvagement de la jeunesse ».

Elisabeth Borne et François Bayrou saisissent eux aussi l’opportunité pour annoncer un renforcement des « contrôles aléatoires ». Et le thème des portiques fait son entrée dans le marketing politique, puisque l’heure est à l’inspiration carcérale. On voit bien la réussite de nos prisons : beau modèle à imiter en effet pour inspirer le respect de l’autorité.

On sent bien cependant une pointe de regret. Car la carte de la « radicalisation » et de la stigmatisation des quartiers populaires n’a pas pu être jouée, compte tenu du profil de l’établissement — un lycée catholique privé sous contrat — et de l’identité de l’agresseur. De fait, ce drame résiste aux tentatives de le faire servir à fabriquer les boucs-émissaires de la société. Il affirme la réalité d’autres effets : l’école subit le contrecoup d’un climat social et politique qui exacerbe les violences, et sur lequel les politiques en place ont leur part de responsabilité.

Reste qu’il faut s’interroger : l’installation d’un portique constitue-t-elle en soi un acte d’autorité ? Ceux qui confondent autorité éducative et dispositif de sécurité montrent surtout qu’ils ne comprennent ni l’une ni l’autre. L’autorité véritable repose sur la constance, l’exemplarité et la capacité à donner sens aux règles ; pas sur l’illusion technique d’un portique brandi comme un talisman. Et si le besoin d’être en sécurité est essentiel à l’école, en sécurité affective, en sécurité dans leurs apprentissages, en sécurité physique également, cela passe par d’autres réponses que par la baguette magique de la sécurisation technologique.

Loin de conforter ces discours, le drame manifeste l’inanité des mesures simplificatrices et réductrices qu’ils promeuvent. La tragédie révèle cruellement que le problème ne se résout ni à coups de portiques ni par multiplication de contrôles aléatoires.

À force de traiter les élèves comme des suspects et les chefs d’établissement comme des agents négligents qu’il s’agit de recadrer à coups de protocoles imposés, l’école se militarise sans devenir plus sûre. Un portique ne fait pas autorité. Un protocole rédigé sous la pression d’une injonction descendante à des fins de propagande ne bâtit pas une culture de respect.

Il est singulier que le Portique, qui symbolisait dans l’Antiquité un lieu de sagesse et de réflexion, soit devenu dispositif de contrôle, désormais à la porte des établissements scolaires, tourné vers l’extérieur plutôt que vers l’introspection. Au lieu de ressasser ce cantique des portiques, nos ministres feraient peut-être bien mieux de se convertir à d’autres sources. Cela leur éviterait, à force de gouverner par l’apparence, de courir inlassablement après l’ombre de leurs propres effets d’annonce.

Bobigny, 28 avril 2025