On a beau se dire depuis quelques ministres de l’Education Nationale qu’on n’attend rien de leurs annonces, on arrive quand même à être déçus.
Côté collège, avant même de faire un bilan contradictoire de la mise en place des groupes de besoins (alors que certains n’ont pas encore démarré), la ministre en officialise la reconduction en 6e et en 5e pour l’an prochain.
Fort prudemment, elle ne l’étend pas aux classes de 4e et de 3e : elle a peut-être entendu parler des blocages techniques et RH pour réaliser les emplois du temps ? Peut-être qu’elle a été mise au courant de la pénurie de professeurs ? A moins qu’elle n’ait enfin pris en compte les études montrant l’inefficacité de cette mesure ? A la place, dans ces niveaux, il y aura 1 heure de soutien par semaine en alternant maths et français, sans que les chefs d’établissement ou les IPR sachent s’il s’agit d’1 heure en plus ou d’1 heure « à la place ». Pratique à quelques semaines de la préparation de la rentrée 2025 !
Notre ministre a également annoncé la modification du rapport épreuves ponctuelles/contrôle continu qui passera à 60/40 (sur la base des moyennes de 3e) en juin 2026, tandis qu’à compter de juin 2027, les collégiens qui n’auraient pas le DNB ne pourraient plus passer en lycée, sans expliquer ce que l’on fera des élèves en échec.
Le reste des mesures n’est que du saupoudrage symbolique pour le grand retour de la France d’avant et du mérite : dissociation des notes d’Histoire-Géographie et d’EMC, félicitations du jury aux lauréats du DNB ayant obtenu au moins 18/20 dès cette année.
Côté lycée, une épreuve anticipée en maths en classe de 1ère dès 2026. Et … c’est tout ! Et rien non plus pour la voie professionnelle.
Pour tous les niveaux, la ministre a enfin annoncé lors de la conférence de presse du 12 novembre la prorogation des évaluations nationales. Pourtant, les établissements ont reçu mi-novembre ce message : « les taux de téléchargement des restitutions des évaluations étant faibles, la DEPP a décidé de laisser l »accès au portail des évaluations jusqu’à la fin du mois de novembre. Vous avez jusqu’au 29 novembre 2024 pour télécharger les restitutions des diverses évaluations de votre établissement. »
Comment peut-elle mesurer l’efficacité d’un dispositif dont il manque les données essentielles pour produire des analyses ? Le faible taux de téléchargement des restitutions n’est-il pas lui-même un indicateur révélateur de l’utilisation réelle des évaluations sur le terrain et l’expression du ras-le-bol des équipes qui ont l’impression de perdre un temps précieux à faire la même chose tous les ans sans que les bonnes leçons en soient tirées ?
Dans son acte II du « Choc des Savoirs », Anne Genetet semble passer outre l’essentiel : toutes ces réformes communicantes, toutes ces heures de soutien, de Devoirs faits et d’Ecole ouverte, elle va les mener avec qui ? Qui veut encore passer les concours de recrutement ? Une nouvelle fois cette année, il a fallu repousser les dates d’inscription, y compris pour les personnels de direction, preuve s’il en était besoin de la crise profonde d’attractivité que nos métiers traversent. Et parmi les personnels qui sont déjà en place, nous en connaissons tous qui expriment leur envie de partir, consultent des sites d’aide à la reconversion ou la page « choisir le service public » à la recherche d’un détachement, qui réfléchissent à une rupture conventionnelle.
Elever le niveau de tous les élèves, oui. Qui pourrait être contre ce slogan qui parle au peuple ? Mais cela ne pourra pas se faire sans les acteurs de terrain, donc sans ouvrir les chantiers de la revalorisation et des conditions de travail. Et ça, la ministre – comme la plupart de ses prédécesseurs – ne semble pas l’avoir compris.
Bobigny, le 15 novembre 2024
Bureau national