Sainte Genetet, comédienne et martyre

Martyre de la cause gouvernementale, Anne Genetet peine à se dépêtrer du procès en incompétence qui lui est fait. Elle a beau assurer qu’elle est « une fonceuse et une bosseuse », qu’elle « se plonge dans ses dossiers » et « qu’en bossant ses dossiers on développe des compétences ». Renvoyée au statut de « clone de Gabriel Attal » par les syndicats, elle n’a même pas pour elle de pouvoir compenser ses insuffisances par l’aplomb et le bagout de son prédécesseur, qui passent apparemment pour des signes d’envergure politique.

Il est vrai qu’à défaut d’une quelconque vision politique pour le système éducatif, l’originalité de Gabriel Attal est d’en avoir fait l’objet d’une instrumentalisation à des fins de conquête de nouvelles parts du marché électoral. La dérive en fin de parcours d’une Nicole Belloubet désabusée nécessitait la ré-affiliation à l’ancien Premier ministre, qui a trouvé dans les sujets liés à l’école le filon d’un discours qui fait monter sa popularité. Il se pose pour cette raison en superviseur des actions de la rue de Grenelle, et le choix d’une fidèle comme Anne Genetet ne pouvait que s’imposer.

Mais comment celle-ci va-t-elle réinvestir la place qui lui est laissée ? On la voit mal reprendre les thèmes du poujadisme éducatif qui ont fait le succès d’Attal et lui ont permis de chasser sur les terres de l’extrême droite. Dans la mesure où la fonction ministérielle semble n’être plus, désormais, que comédie communicante et construction de « narratifs », avec quel récit Anne Genetet pourrait-elle prétendre nous enchanter ?

Elle nous sert pour nous rassurer la ritournelle du « cap » qu’elle va maintenir. Voilà qui plaira aux syndicats qui déploraient la place vacante du capitaine. Mais c’est cependant un cap ralenti dans ses ambitions : “le navire garde le cap, ce que je vais changer, c’est la vitesse du navire“. La gouvernance façon Genetet sera une gouvernance minimaliste. D’abord faute de moyens : “on ne pourra pas faire de miracles” a-t-elle précisé d’entrée aux représentants de la FSU. Mais aussi, et c’est peut-être heureux, faute de convictions. Car s’il faut maintenir le cap sécuritaire, la ministre montre moins de certitudes sur le besoin de renforcer les sanctions, et s’autorise même auprès du quotidien Libération « quelques réserves » sur les bienfaits de l’uniforme avant de manifester sa préférence pour le « tee-shirt blanc au logo de l’école ».

Mais y a-t-il de quoi être satisfait de ce discours de maintien du cap ? Même maintenues en vitesse de croisière, les réformes conservatrices rendent explosive la situation de l’école publique.

La nouvelle ministre s’en tient, dans la description de ses priorités, au ressassement des thématiques du harcèlement à l’école, de la santé mentale des élèves, de l’inclusion scolaire, de la sécurité et du respect de l’autorité. Derrière le paravent de cet affichage protecteur, la politique dont il s’agit ici de maintenir le cap, c’est celle des dispositifs coupés d’une approche éducative globale, de gadgets protocolaires qui entendent pallier la carence des personnels de santé, et d’une forme d’inclusion marchande qui délaisse le principe d’une accessibilité pour tous des apprentissages. De même, Anne Genetet nous assure qu’elle veillera, dans la continuité de son mentor, à élever « l’exigence de nos enseignements » et au maintien des « groupes de niveaux ». En revanche, rien sur les inégalités et les mécanismes d’assignation sociale. Le cadrage dans les termes du mérite est assumé sans plus de difficulté, ouvrant la voie à une promotion décomplexée de la distinction et de la reproduction sociales.

Dans une distribution ministérielle symboliquement genrée (à l’image de la composition d’un gouvernement réactionnaire où les postes sont répartis en rose et bleu), nul doute qu’Alexandre Portier saura incarner de son côté la posture viriliste des solutions autoritaires et ouvertement ségrégatives. L’adjonction d’un ministre délégué, qui s’illustre par le dénigrement de l’école publique, vient suggérer la perspective d’une école à deux vitesses. Quel est le sens de ce décrochage de la « réussite scolaire » accouplée à la « formation professionnelle » ? Il semble qu’il faille aussi accompagner la désertification scolaire de la ruralité et gérer une éducation prioritaire encasernée. Qu’il faille se saisir opportunément du décrochage pour relancer l’apprentissage. Et au final consacrer le fonctionnement de ce secondaire du peuple que serait une voie professionnelle réduite à la fabrique de l’employabilité, sous le régime d’un contrôle accru des entreprises sur les formations.

Malheureusement non, on ne change pas de cap dans cette triste comédie. Le système paraît bel et bien verrouillé sur le pilotage automatique d’une politique qui creuse les difficultés éducatives, détruit le lien de confiance entre l’école et ses usagers, abîme les collectifs de travail et élargit dangereusement les séparatismes sociaux.

Pour le snU.pden-FSU, d’autres choix sont nécessaires pour permettre à tous l’accès au meilleur niveau d’éducation.