Madame la Rectrice,
Avec les collègues du snU.pden-FSU nous souhaitons vous exposer notre ressenti collectif, en cette fin de mois de mai 2023.
Nous savons pertinemment que, vous comme nous, apprenons beaucoup de choses via les médias. Des annonces qui très souvent semblent prises par des personnes loin de la réalité des établissements et qui nous mettent malgré tout sous le feu des projecteurs et sous tension.
Depuis nos bureaux, dans nos établissements scolaires visiblement bien éloignés du Ministère, nous expérimentons l’impermanence, dans sa configuration brutale et sans répit :
- Il en est ainsi de la dernière déclaration sur les conseils de classe. Alors que nous faisons de notre mieux pour allonger au maximum le temps scolaire de nos élèves tout en nous glissant dans des calendriers de procédures très resserrés, les dernières déclarations du ministre jettent une nouvelle fois le discrédit sur les établissements et leurs équipes de direction.
- Les mesures pour la classe de 6e : beaucoup de choses ont déjà été dites. Mais si mieux accompagner les élèves est unanimement partagé, la méthode proposée ne répondra pas à ce besoin. La gestion des EDT pour mettre en place les alignements pour le soutien et l’approfondissement en Math et Français sera délirante pour mettre en place des groupes de besoins. S’ajoute la difficulté de comprendre le Devoirs faits obligatoire pour tous, ou finalement pas pour tous, mais quoi qu’il en sera, pas pour les enseignants. Et enfin, que dire de la gestion RH de la technologie ? Supprimer un enseignement qui permettait très souvent aux élèves plus fragiles d’être en réussite et d’avoir une meilleure image d’eux-mêmes interroge. N’aurait-il pas été plus utile de déployer les moyens prévus pour le Pacte afin d’alléger sérieusement les effectifs ?
- Réforme du lycée professionnel : la fermeture envisagée de sections entières dans l’enseignement professionnel sous couvert de la volonté d’agir en fonction d’une adéquation à l’emploi local… l’enseignement professionnel n’a t-il pas une autre ambition que celle de fournir de la main d’œuvre locale disponible ? Le recours systématique à l’apprentissage, en réduisant drastiquement la partie consacrée à l‘enseignement général est symbolique d’une conception tout aussi régressive de l’enseignement professionnel, en le livrant aux mains des régions et des entreprises locales. Abandon de la fonction émancipatrice de l’enseignement professionnel recroquevillé sur l’adaptation à l’emploi. Y compris dans cette logique d’employabilité, cette conception de l‘enseignement professionnel conduit, selon nous, sur la mauvaise voie. Croit-on vraiment que les emplois ne vont pas évoluer en 43 ans ? Comment nos élèves, futurs travailleurs, seront-ils en capacité de s’adapter aux évolutions inéluctables de leur secteur d’activité ? Comment pourront-ils être mobiles, et professionnellement et géographiquement ? Seront-ils contraints de rester dans le même secteur d’activité toute leur vie simplement parce qu’ils l’auront choisi à 14 ou 15 ans, ou parce que tel est constitué le paysage professionnel local ? Même les entreprises ne peuvent cautionner cette évolution : si elles peuvent y trouver leur compte à court terme, la situation deviendra intenable à moyen et plus long terme, car elles ne disposeront plus de la main d’œuvre, des techniciens et des cadres dont elles auront besoin.
La fermeture de sections professionnelles pour la prochaine rentrée a été annoncée par les médias et donc aux familles, quelques jours avant la saisie des vœux d’affectation par les élèves de 3e. Elle remet en cause le travail mené depuis des mois, parfois davantage, avec des jeunes qui ont construit un projet professionnel en allant aux journées portes ouvertes, en participant à des mini-stages ou des immersions, en échangeant avec les PSYEN et les professeurs principaux. Tout cela est balayé dans le mépris le plus total pour tous. Et que dire des annonces consistant à envoyer brutalement les PLP faire du soutien en 6ème ou à devenir PE ? Des bureaux des entreprises promis initialement dans tous les LP, et finalement le BO indique qu’il pourrait être mutualisé…
Tout est si flou ! Communiquer ainsi, par annonces médiatiques, webinaires en urgence, et foires aux questions, n’est pas bienveillant.
Pour nous, le snU.pden-FSU, l’Éducation nationale n’est pas un tetris©, les personnels ne sont pas interchangeables, ne peuvent servir à boucher les trous. Ils ont des qualifications et une expérience qui doivent être utilisées à bon escient : le respect des personnels, c’est aussi et avant tout le respect des élèves et du service dû aux usagers.
- Le PACTE : Des décrets tardifs et une non prise en compte des réalités des établissements. Un risque de crispation des relations entre enseignants et direction et entre enseignants également. Une revalorisation sous conditions qui est vécue très négativement par les enseignants.
Avec ce PACTE, la communication autour du remplacement de courte durée : une fois encore, les effets d’annonce mettent les établissements, et notamment leurs équipes de direction, en position délicate, voire intenable. Les parents pourraient demander des comptes alors que ce type de remplacement se heurte à des impossibilités fonctionnelles : nous savons tous que, si le remplacement de courte durée peut très partiellement combler des absences ponctuelles d’enseignants, il ne peut en aucun cas permettre des remplacements longs ni permettre le remplacement de l’ensemble des absences de courte durée. Ce constat est purement technique. Des enseignants qui assurent 20 heures de cours hebdomadaires ou plus n’ont matériellement pas la disponibilité pour remplacer leurs collègues absents. C’est donc vers d’autres solutions qu’il aurait fallu se tourner : renforcement du nombre de TZR dont la diminution drastique a servi à camoufler les milliers de suppressions de postes de ces dernières années, diminution des heures de cours hebdomadaires à assurer par chaque enseignant pour donner une disponibilité pour le remplacement, personnels surnuméraires dans les établissements dont les fonctions pourraient être lorsqu’ils ne seraient pas mobilisés pour du remplacement, d’accompagner des élèves en difficulté scolaire, co-intervention… Dans tous les cas, seul un recrutement massif permettra d’assurer réellement le remplacement des enseignants. La promesse faite à la Nation par Monsieur le Président de la République de remplacer tous les enseignants à la prochaine rentrée ne pourra pas être tenue !
Nous remercions le ministère d’avoir pensé à nous inscrire en urgence sur des formations de management du changement… il est vrai que dans cette impermanence constante, nous n’avons aucune expérience dans ce domaine… Mais peut-être est-ce là que nous devons chercher la revalorisation de nos métiers ? Parce que, vous le savez, notre charge de travail augmente d’année en année (PIAL, PAP, ESS, PACTE, …). Mais une réelle revalorisation de nos salaires tarde à venir. Alors, on nous impose une prime au résultat. Mais pas défiscalisée.
Nous œuvrons désormais dans ce paysage lunaire, bien conscient des préoccupations qui ont guidé ces choix, mais seuls face à des équipes pédagogiques désœuvrés. Pour les LP au moins, ORION devrait nous guider !
Comment construire du sens ? Ce sens, celui qui fait que l’on se lève le matin avec l’envie de venir travailler. Celui qui met du vent dans les voiles pour faire avancer le navire…
Ce sens, heureusement, nous le construisons depuis des années, en établissements, autour de beaux engagements des enseignants, et de l’ensemble des équipes éducatives dont nous parlons trop peu. Nul besoin de PACTE pour cela.
Madame la Rectrice, soyez donc certaine que nous continuerons à faire prospérer ce qui existe déjà, à faire vivre le sens du service public, avec les acteurs du terrain… pour peu qu’ils ne quittent pas le navire !
La section snU.pden-FSU de l’académie de Nantes
Angers, le 31 mai 2023