Chaque nouveau ministre apporte sa pierre à l’édifice. Les efforts de certains sont salués chaleureusement par la profession -si si, cela arrive ! – quand nous éprouvons le sentiment que les élèves sont pris en compte et que les réformes proposées sont sources de progrès. Hélas, la réforme de l’enseignement professionnel annoncée par le Ministre Jean-Michel Blanquer est loin de nous réjouir, tant elle est annonciatrice de mauvaises nouvelles.
- Pertes d’heures de formation en enseignement général
- Réforme de la seconde professionnelle réduite à une peau de chagrin : elle devient une seconde de découverte professionnelle et à son issue, les élèves pourront choisir une voie professionnelle. Ainsi le temps de formation professionnelle est-il amputé d’une année scolaire. Or chacun sait que les élèves arrivant au lycée professionnel sont ceux au profil fragile ayant besoin d’être remotivés pour être de nouveau en mesure d’entrer dans les apprentissages. Les temps de formation professionnelle, les cours en atelier y concourent grandement.
- Signe de cette déprofessionnalisation et de la perte de valeur prévisible des diplômes futurs, la proposition faite par le Ministre de mettre en place – comme Geneviève Fioraso l’avait proposé en son temps – un brevet professionnel supérieur préparé en un an… ne débouchant sur aucune qualification et reconnu par personne. Une voie de garage, en somme, pour tous les futurs bacheliers qui auront été écartés par Parcoursup.
- L’objectif de la formation professionnelle est double : l’insertion professionnelle ainsi que la possibilité de poursuite d’études pour tous les bacheliers qui le souhaiteraient. Des classes passerelles vers les BTS sont également envisagées. L’annonce est faite au moment où beaucoup de jeunes ont des réponses négatives sur Parcoursup. Si une année supplémentaire est nécessaire, quelle est la logique de la réduction du nombre d’heures d’enseignements généraux envisagée ? Les titulaires d’un baccalauréat professionnel doivent pouvoir accéder à l’enseignement supérieur, et notamment au BTS, directement après l’obtention du diplôme.
L’ampleur des heures amputées laisse à penser que de nombreux postes d’enseignants pourront être supprimés. Pour l’heure, impossible de chiffrer le montant global de l’économie. Elle pourrait être amplifiée avec l’annualisation des heures assurées par les enseignants.
De toute évidence, la philosophie actuellement à l’œuvre ne met pas l’ambition scolaire des élèves au centre de ses préoccupations. Sauf qu’à penser ainsi, on ne fait pas rêver, on ne donne pas envie. Ni aux élèves, ni aux parents, ni aux personnels de l’Éducation nationale. Pire : parents, enseignants, personnels, nous sommes fondés à nous demander ce que sera l’avenir de nos enfants dans ce système ultra-concurrentiel dessiné par la gouvernance actuelle. Et surtout quel avenir pour les élèves fragiles ou moyens ? Quelles perspectives ? On a beau jeu de prôner l’individualisation des parcours de formation si c’est pour se retrouver au final devant une porte fermée à la fin d’un cursus, qu’il soit en enseignement général, technique ou professionnel. La formation deviendra-t-elle une sorte de loterie, chacun faisant le pari du devenir de ses élèves, de ses enfants ? On a beau jeu d’utiliser un argument usé jusqu’à la corde : réformer pour avancer. L’école est fatiguée de ces changements et revirements réguliers. Quant à la dérèglementation actuelle, elle laisse bon nombre de parents et personnels perplexes et déboussolés.
Paris, le 1er juin 2018
Le Bureau National