Curieuse ambiance pour ce séminaire des personnels d’encadrement du 1er et du 2nd degré, mercredi 20 septembre à Canopé Caen. Non pas parce que nous aurions été mal accueillis ou bien parce que la DRH du Rectorat aurait refusé de répondre à nos questions. Ce sont tout simplement les réponses elles-mêmes et le cadre de l’exercice qui nous ont interrogés, interloqués parfois même passablement agacés. Revue de détails.
Éthique et équité : deux valeurs que l’on nous demande de faire vivre et d’évaluer à l’Education Nationale. Deux valeurs essentielles pour créer la confiance au sein des établissements scolaires (un terme bien à la mode par les temps qui courent). Sauf que ces valeurs se heurtent durement au principe de réalité et aux déclarations qui ont été faites :
Dans le 1er degré, les évaluateurs « primaires » seront les IEN de circonscription ou bien les IEN-A. Les IEN de circonscription évalueront exclusivement les personnels de leur secteur. Les IEN-A pourront les aider dans leur tâche. Dans le 2nd degré, les évaluateurs « primaires » seront exclusivement les chefs d’établissement.
Cas pratique n°1 : un IEN hérite d’une circonscription étendue, avec une cohorte importante de jeunes enseignants. Dans la circonscription voisine, un autre IEN a une population stable et âgée. Telle que la règle a été définie, impossible pour les IEN de mutualiser les inspections et les efforts. La question a été posée en plénière. La réponse a été claire : chacun sa circo. Où est l’équité ? Qui sera pénalisé ?
Cas pratique n°2 : un personnel de direction dirige un collège de 25 enseignants dont la moyenne d’âge dépasse 50 ans. Le lycée de secteur accueille une population de 130 enseignants, avec de nombreux personnels éligibles à l’entretien de carrière. Pourquoi ne pourrait-on pas déléguer une partie de la tâche à son adjoint ? D’ailleurs, l’adjoint lui-même n’a pas vocation à rester adjoint. Il est important qu’il puisse se projeter dans cette tâche difficile qui nous est demandée. Pourtant, le Rectorat a été clair : la tâche est dévolue exclusivement aux chefs d’établissement.
Dans les réponses apportées, la réponse de l’Education Nationale tient en ce principe : il faut respecter la loi pour éviter des recours et obéir aux nouveaux principes de gestion de la masse salariale. Pour autant, certaines déclarations laissent à penser qu’il existerait déjà une certaine élasticité dans l’appréciation de la loi…
La situation administrative des TZR pose problème
La situation des TZR et les réponses apportées par la DRH illustrent parfaitement cette élasticité. Des collègues ont souligné la difficulté à laquelle se heurteraient des personnels de direction qui ne voient jamais les enseignants rattachés administrativement à leur établissement. Il a bien été dit que ce personnel de direction pouvait bénéficier d’ « informations en off » du chef d’établissement d’accueil. Dans ce cas, dans quelle mesure le signataire de l’entretien d’évaluation peut-il se prévaloir d’être en capacité de réellement évaluer l’enseignant ? Et qui assistera à l’inspection en classe ? Où est l’éthique du Rectorat dans cette réponse ? Si l’on demande à nos enseignants d’assurer un service de fonctionnaire responsable, nous devons nous-mêmes en être les garants !
Sur cette question, le snU.pden-FSU demande que la situation administrative des TZR soit éclaircie et le travail des personnels de direction facilité.
Il nous a été dit que les syndicats d’enseignants seraient particulièrement vigilants sur ces questions et que nous devions faire culture commune. Rappelons que dans toute démocratie, des garde-fous et des contre-pouvoirs sont essentiels. Les syndicats en font partie. La culture commune, si elle ne garantit pas l’éthique et l’équité, n’est certainement pas une valeur absolue. Ce qui compte, c’est bien le sens que nous donnons dans nos actions quotidiennes et que nos valeurs de fonctionnaires s’expriment également dans notre distance réflexive. Dans cette période d’emballement libéral, cette distance critique nous permet d’exercer en conscience notre métier.
Comment évaluer les enseignants de façon juste ?
L’évaluation elle-même telle qu’elle a été définie par le Rectorat de Caen porte en son sein une équation impossible à tenir : il nous faut tout à la fois évaluer le parcours et la valeur professionnels des enseignants sur une période d’environ 7 années et s’interdire de faire référence, dans nos appréciations, à tout événement qui se serait présenté avant l’inspection elle-même sauf si l’enseignant mentionne lui-même ces éléments. On caricature à peine. En outre, l’évaluation PPCR doit permettre des dynamiques d’accompagnement, qui n’ont pas été définies. Cerise sur le gâteau : la notion des 30% ne nous regarde pas. Elle sera réservée aux services de la DRH. Traduction : vous faites le travail, la gestion de la masse salariale nous regarde et vous essuierez les pots cassés ensuite.
Sans rapport d’inspection pédagogique, quel management possible ?
Autre sujet d’inquiétude : l’entretien de carrière suppose la rédaction de deux rapports de dix lignes maximum, par l’IPR et le chef d’établissement. Pour les IPR, cela suppose la disparition du rapport d’inspection ; pas de conseils ni de pistes d’évolutions formalisées, juste un retour oral pendant l’entretien La mission de conseil des corps d’inspection pour accompagner les pratiques pédagogiques tend à devenir marginale, dans la nouvelle configuration. Et quid de la valorisation des enseignants qui sont au-delà de la deuxième année du 9ème échelon ? Dès lors, on peut réellement douter du fait que l’entretien de carrière défini comme tel puisse être un réel outil de management.
Concernant le rendez-vous de carrière, nos revendications sont simples.
Il est essentiel de se montrer bienveillant et constructif avec les équipes enseignantes.
Avant d’être un outil de management, l’entretien PPCR est un outil de positionnement de l’enseignant par rapport à ses pratiques dans la classe, dans son établissement et au sein de l’Éducation Nationale.
L’échelle de la notation doit être pleinement utilisée (l’item « à consolider » étant réservé pour des situations critiques), mais elle doit surtout faire sens pour l’enseignant.
Nous devons nous-mêmes être clairs dans nos attentes et faire vivre nos projets d’établissement avec nos équipes.
Dans ce cas, et avec l’accompagnement des corps d’inspection, nous pourrons assurer notre mission de service public et, modestement, faire avancer nos structures et l’ambition républicaine.
Dans un article du Café pédagogique du 21 septembre 2018, nous apprenons que « le ministre de l’Action et des Comptes publics annoncerait que si PPCR était poursuivi les effets financiers seraient retardés de six à dix-huit mois… Le Directeur de Cabinet a précisé que les mesures actées pour 2017 seraient honorées et les suivantes reportées ». Dans ce cas, le report annoncé du PPCR signe-t-il l’abandon pour l’année 2017-2018 des entretiens de carrière ?
Le bureau académique
Caen, le 20 septembre 2017