Le cap de mauvaise désespérance

Ne nous y trompons pas. Le problème auquel les professionnels de l’éducation sont confrontés à cette rentrée, et tout spécialement les personnels d’encadrement et de direction, ce n’est pas l’absence d’un cap. Ce n’est pas l’indécision d’une orientation politique du fait d’une crise institutionnelle.

Certes, nous faisons face à l’insuffisance des cadres réglementaires qui génèrent la masse des inconnues de rentrée. Cette insuffisance tient à ce qu’ils sont à la fois injonctifs et flous parce que poussés par une politique exclusivement communicante. Mais cette situation qui ajoute encore au malaise professionnel ne doit pas nous faire croire qu’elle est celle d’exécutants en peine de cadre, marins sans capitaine ou brebis sans berger, livrés à l’incertitude d’une perte de repères.

Il s’agit moins de l’abandon angoissé à un vide de gouvernance que de l’accablement devant une mauvaise blague qui n’en finit plus.

Car ce qui se donne à observer, ce sont les signes qui convergent vers le maintien forcé d’un cap autoritaire et d’un pilotage éducatif calamiteux. Circulaire de rentrée publiée en urgence avant le résultat des législatives, nomination d’une nouvelle directrice de la DGESCO avec un choix très orienté à la tête de la même équipe :  autant de décisions pour maintenir en place les orientations politiques sous couvert de décisions techniques. La communication teintée de désabusement d’une ministre et en fin de course sur l’application du programme du choc des savoirs n’enlève rien à l’entêtement à « porter des évolutions » et à poursuivre la même pente. Si des décisions sont « gelées » pour l’instant ou font l’objet d’un report, comme la réforme du recrutement des enseignants, elles ne sont pas pour autant supprimées de l’horizon des politiques à conduire. Le fonctionnement actuel du système semble bel et bien verrouillé.

La stratégie macronienne pour différer la nomination d’un nouveau Premier ministre et le maintien d’un gouvernement démissionnaire supposé gérer les affaires courantes ont permis de garder la main sur les choix politiques et budgétaires afin de sécuriser l’impossibilité d’une alternance. Ce geste n’est que le dernier développement d’une forme de pouvoir où l’exécutif prend le pas sur un législatif marginalisé. Enfermé dans cette logique, le Président de la République s’apprête à nommer un Premier ministre dont le gouvernement ne sera finalement qu’une énième mise à jour d’En Marche.

Cette autonomisation de l’exécutif va de pair avec une dissolution de la politique dans la technostructure. Ainsi, des choix idéologiquement marqués passent pour des adaptations fonctionnelles inévitables. Manifestation d’un pouvoir autiste imperméable aux expressions multiples d’une volonté de changement de la part d’une société qu’il a mise en crise, le macronisme va son cours.

Sans surprise, l’impératif néolibéral d’adaptation aux règles d’une société mondialisée continuera de s’adjoindre les thématiques douteuses de la société autoritaire. Notre système éducatif, une fois de plus, va en faire les frais.

Mains nous ne céderons pas à une résignation désespérée, nous ne nous abandonnerons pas non plus au retrait derrière la prétendue neutralité d’un métier de techniciens de la fonction publique. Le snU.pden-FSU continuera de défendre les orientations qui ont été portées à travers le programme du Nouveau Front Populaire. Ce n’est pas accorder un soutien à des partis ; c’est assumer avec courage et conviction la volonté de maintenir l’élan qui a été initié, dans une aspiration à transformer la société et son Ecole.

Bureau national

Bobigny, le 28 août 2024