L’uniforme à l’école : une fausse bonne idée

Notre ministre est décidément un très bon communicant : il a fait des annonces tonitruantes concernant l’ensemble du système éducatif, le jour même de la publication des mauvais résultats français lors des évaluations internationales PISA. Cette semaine, alors que nous attendions le bilan des inscriptions aux concours (sans doute à nouveau catastrophique, malgré le délai supplémentaire), Gabriel Attal ouvre un nouveau contre-feu avec l’expérimentation à grande échelle de l’uniforme à l’école, fantasme d’un âge d’or qui n’a jamais existé, puisque l’uniforme n’a jamais été obligatoire en France.

Nous pourrions a priori être séduits par cette idée qui vise à gommer les inégalités sociales apparentes entre élèves et prévenir le harcèlement scolaire. En réalité, l’uniforme ne réduit pas les inégalités, au mieux, il les cache sans rien changer du quotidien que vivent les enfants des familles défavorisées, au pire, il les aggrave. 

En effet, l’école étant gratuite, les uniformes doivent être pris en charge par l’Etat et les collectivités territoriales, pour un prix estimé à 200 euros par jeune scolarisé pour 2 pantalons, 5 polos et 2 pulls. Si on considère qu’il y a environ 10 millions d’élèves, le coût total annuel tournera autour de 2 milliards d’euros. Enorme ! Cet argent qui aurait pu être consacré à d’autres finalités (au hasard, l’amélioration des conditions d’enseignement et la rénovation des bâtiments), va être donné de façon égale à tous les élèves, qu’ils soient issus de familles favorisées ou de familles défavorisées. Y-aura-t-il encore des aides pour ceux qui en bénéficiaient (fonds sociaux ou dispositifs départementaux) puisqu’ils seront habillés par la République et que l’Etat ? Comme les collectivités territoriales auront donné pour payer les uniformes l’équivalent de 6 à 7 fois les sommes consacrées aux aides habituelles, auront-elles les moyens de les continuer ? Bref, sous couvert d’égalité, l’uniforme met fin à l’équité !

Et c’est oublier aussi que les corps des adolescents ne sont pas uniformes : à un âge où les complexes sont nombreux et que le regard des autres pèse, est-il judicieux d’imposer le même vêtement à toutes et à tous, alors que ce même vêtement ne sera pas adapté à tous les gabarits ?

La lutte contre les inégalités sociales, sources d’inégalités scolaires et inversement, est un combat que mènent le SNUPDEN et les autres syndicats de la FSU. Il est temps de revenir à l’essentiel et de consacrer notre énergie à ce qui en vaut vraiment la peine, l’uniforme n’est pas « la » solution, ni même « une » solution : tant que les effectifs de classes seront chargés, tant que les heures d’enseignement ne seront pas assurées faute de professeurs, tant que le nombre d’heures de cours sera réduit, renvoyant le travail scolaire en dehors de l’école, les inégalités scolaires continueront à se creuser, et, avec elles, les inégalités sociales.