Statut, scolarité, cohérence, clarté : les 2S2C que nous réclamons

Face au louvoyage du ministre, changeons de cap

La reprise de mai-juin pour les établissements appelle un premier état des lieux. Ce bilan intermédiaire est impératif tant la conduite de la politique ministérielle actuelle met l’Education Nationale en péril.

Rappelons d’abord que le protocole sanitaire a protégé les personnes. Il a permis de circonscrire un cadre et chacun a défini des modalités en fonction des conditions matérielles et humaines à sa disposition. Le bilan hexagonal est très hétérogène, il dépend de nombreuses conditions, l’éclatement des locaux ayant souvent facilité le retour des élèves quand des établissements d’un seul tenant ont complexifié celui-ci.

L’application stricte du protocole sanitaire, associé à la proposition de volontariat des élèves a créé les conditions de nouvelles inégalités scolaires et territoriales. Les apprentissages des élèves assidus pendant le confinement font l’objet d’évaluation de la part des enseignants. Les élèves qui reviennent ne sont pas nécessairement ceux qui ont le plus travaillé. Et ceux qui ne reviennent pas, ne répondent pas toujours aux nombreuses sollicitations téléphoniques qui leur sont faites.

Les annonces du Ministre faites dans les médias, les délais trop courts, les problèmes de logistique et de communication à régler en urgence, le manque de temps pour réfléchir, pour consulter les élus du personnel ont créé les conditions de mise sous pression des chefs d’établissement et des équipes. Les risques psychosociaux qu’on nous demande d’évaluer, ne sont que les conséquences de cette mauvaise gestion de la crise.

De fait, la campagne de presse actuelle qui stigmatise les enseignants décrocheurs, en utilisant sciemment la même terminologie que pour les élèves en difficulté, est tout simplement scandaleuse. Sur quels éléments factuels reposent les chiffres donnés, communiqués et apparemment relayés par le ministère lui-même ? La communication actuelle repose sur des termes généralisant, l’utilisation récurrente du « on dit » ou bien de « personnes bien informées ». C’est tout simplement lamentable. Qu’il y ait eu des difficultés avec des personnels de manière ponctuelle, c’est possible. Rappelons que si certains ont tout simplement été victimes de la covid19, la majorité des enseignants a produit un travail très important, avec le souci de permettre aux élèves de rester en lien avec l’école, grâce à leurs équipements personnels (accès internet, ordinateur, téléphone portable…) puisque jamais l’Education Nationale n’a pensé à les équiper individuellement.

Cette manipulation outrancière de l’opinion publique est vécue douloureusement par les personnels et elle ne permet en rien de tisser les liens de confiance essentiels dans une telle période. On serait tenté de dire que les dérives autoritaires impulsés par le ministère lui-même ne demandent qu’à s’installer. Si elles ne descendent pas à l’échelle locale, c’est bien en raison des convictions des collègues et de leur hiérarchie pour le Service public.

Rappelons aussi qu’il y a quelques semaines, on saluait les efforts des fonctionnaires qui avaient assuré la continuité pédagogique. Tout change si vite…

Enfin, les chefs d’établissement sont sidérés de voir ce ministère instrumentaliser la crise sanitaire pour détricoter l’Education Nationale : les 2S2C en sont l’exemple type avec une mise en œuvre qui a déjà pour conséquence en EPS, dans certaines académies, l’impossibilité d’accéder aux installations sportives notamment en lycée.

A la commande ministérielle de faire de la Santé, du social, de la culture et du civisme, nous lui proposons de sauvegarder les Statuts, de donner du sens à la Scolarité, de faire preuve de Cohérence et de Clarté. Il y aura là un revirement dans la politique actuelle. La proposition de décret modifiant les conditions d’accès à la fonction de chef d’établissement, ouvrant une troisième voie aux personnels ayant exercé au moins huit dans une association ou bien ayant disposé de plusieurs mandats au sein d’une collectivité territoriale, sans condition de diplôme ne nous donne pas vraiment d’espoir. En ce sens, cette proposition très ancien régime, si elle se concrétise, constitue une nette rupture avec le Service Public et le mérite républicain.

Paris, le 12 juin 2020

Samuel Lautru

Secrétaire national adjoint