11 mai, réouverture des établissements scolaires ?

Peut-être … mais sous certaines conditions !

Le Président de la République Emmanuel Macron a fixé comme objectif au gouvernement la date du 11 mai pour mettre en place un dé-confinement et une réouverture des établissements scolaires. Cette décision a surpris tout le monde. Elle appelle des commentaires et des exigences de la part des organisations syndicales. Le déconfinement doit être impérativement pensé, faire l’objet de protocoles. L’école dans son ensemble doit mettre en place des mesures responsables qui évitent toute reprise de foyers épidémiques, en particulier cet été.

Première interrogation de la part des personnels de l’Education nationale et des parents : sur quels arguments objectifs (économiques, sociaux, scientifiques…) s’appuie la définition de cette date ? Aucun, si ce n’est la volonté présidentielle.  Dès lors, nous considérons que cette date ne doit en aucun cas constituer un impératif absolu qui risquerait de nuire à la sécurité sanitaire, à la confiance dans la qualité de mise en œuvre des opérations de confinement ou à sa sérénité. Ce principe fondamental doit être réaffirmé fortement par les autorités, à tous les niveaux.

Cette annonce présidentielle a été complétée de déclarations du Premier ministre, la dernière dimanche 19 avril et du Ministre de l’Éducation Nationale Jean-Michel Blanquer.

Les différentes prises de paroles, parfois contradictoires comme celle du Ministre Blanquer sur le respect ou non de l’obligation scolaire, indiquent clairement que rien n’est défini pour organiser cette reprise. Le temps de préparation du dé-confinement doit être le préalable pour une mise œuvre … et une évaluation du processus par la communauté scolaire doit donc être une priorité pour qu’il se fasse sereinement et collectivement.

Le Premier ministre a indiqué lors de sa conférence de presse du 19 avril que deux principes guideraient l’élaboration des mesures de dé-confinement :

  • Assurer la continuité de la nation
  • Préserver la santé des français

Nous percevons clairement les intentions gouvernementales liées à la volonté de redémarrage de l’économie. Pour le snU.pden-FSU, cette volonté ne doit aucunement prédominer sur le principal objectif qui est et doit demeurer la préservation de la santé de tous les français. Cette clause s’applique bien évidemment à l’école.

Le Premier ministre et le Ministre de l’Éducation nationale ont indiqué que les mesures concernant l’école seraient précisées vers la fin du mois d’avril.  Il ne resterait donc qu’une dizaine de jours pour passer de directives à une mise en œuvre dans les EPLE.

De nombreux responsables de collectivités territoriales ont déjà exprimés leurs doutes et même parfois leur opposition quant à la crédibilité de ce calendrier. Nous nous y associons.

Nous rappelons que, selon l’article R421-10 du code de l’Éducation, en qualité de représentant de l’État au sein de l’établissement : le chef d’établissement prend notamment toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l’hygiène et la salubrité de l’établissement et est responsable de l’ordre dans l’établissement. Il veille au respect des droits et des devoirs de tous les membres de la communauté scolaire.

Les chefs d’établissement seront donc responsables de l’évaluation de la capacité de l’établissement à ouvrir ou non et à accueillir, dans des conditions à définir, des groupes d’élèves. Ils ne devront subir aucune pression des autorités tant que leurs décisions s’appuieront sur les lois, normes et règlements en vigueur.

Pour étayer les prises de décision qui relèveront de l’autonomie des EPLE, des éléments réglementaires devront impérativement être publiés au niveau ministériel.

Ce cadre national explicite sera la première garantie pour le Service Public de l’Éducation Nationale, ses usagers, ses personnels. Il devra définir précisément les principes devant guider toute action, les conditions sanitaires à appliquer aux personnels et aux élèves, les règles de gestion des ressources humaines à appliquer, ainsi que les objectifs pédagogiques à viser lors de cette rentrée post confinement.

« Précisément » signifie que ce protocole devra décliner, sans ambiguïté, les modalités nécessaires à la reprise. Nous ne devrons en aucun cas retrouver les errements vécus lors de la phase de confinement.

Parmi les principes, le snU.pden-FSU exige que :

  • les mesures de sécurité sanitaires prévalent sur toute autre considération ;
  • tous les élèves d’un même EPLE, relevant d’un même statut, hors mesure sanitaire, soient concernés par les mesures de reprises progressives (pas de mesures discriminatoires, notamment sociales ou scolaires) ;
  • l’implication et la consultation des organismes représentatifs des EPLE soient réalisées préalablement à l’accueil des élèves, notamment comité hygiène et sécurité et/ou CA, ;
  • une pré-rentrée avec les personnels préalable à l’accueil des élèves soit programmée. Elle doit être d’une durée suffisante pour que toutes les organisations matérielles, humaines et pédagogiques soient discutées et acceptées par les personnels ;
  • sur le plan pédagogique, la reprise soit essentiellement consacrée à la reconstruction du lien, à la stabilisation des apprentissages réalisés, à l’aide aux élèves en situation de décrochage, à l’accompagnement à l’orientation. Nous ne pouvons pas prendre en compte le temps d’enseignement à distance comme ayant rempli l’ensemble des fonctions d’un enseignement en salle de classe.

La mise en œuvre de ces principes devra permettre de définir explicitement :

Sur le plan sanitaire

  • Les modalités de désinfection des EPLE à mettre en œuvre avec les agents des collectivités et en lien étroit avec ces dernières ;
  • L’utilisation des masques et les modalités d’approvisionnement. Il nous semble indispensable que des commandes groupées soient organisées et coordonnées. Les mêmes préoccupations apparaissent pour les autres produits et matériels de nettoyage et de protection ;
  • Quelle distanciation physique entre chaque personne présente (un mètre, davantage ?) ;
  • Quelles mesures à appliquer pour les internats et les restaurations scolaires, ?
  • Des consignes claires et entièrement conformes à celles de l’ARS pour appliquer les tests et les mesures de quarantaine ;
  • Mise à disposition d’équipes pluri professionnelles formées pour accompagner les personnels et élèves dans des établissements qui auront été fortement touchés par des événements graves pendant la période de confinement ;
  • La possibilité, lorsque les chefs d’établissement ou le conseil d’administration le jugeront nécessaires, de faire appel à une équipe d’expertise externe à l’EPLE pour conseiller, accompagner, valider ou invalider le plan local d’accueil, selon les demandes des établissements.

Sur le plan de gestion des ressources humaines

  • Quelles modalités de l’exemption ou de l’adaptation de la reprise pour certains personnels et élèves (personnes à risque, garde d’enfants…). Aucun personnel ni élève ne doit être lésé pendant cette phase de reprise ;
  • La présence des élèves ne pouvant être permanente dans l’établissement, quel cadre pour l’adaptation des emplois du temps des élèves ?
  • Quel cadre pour l’accompagnement des élèves à distance ? Quelle articulation entre le travail en présentiel et le travail à distance ?

Sur le plan pédagogique

  • Au collège, au lycée et dans l’ensemble du monde éducatif, le lien a été maintenu avec la plupart des enfants et adolescents ; nous savons également que ponctuellement, ce lien a été plus difficile à tenir et que des élèves sont sortis des radars.  Pour les élèves, l’enseignement des contenus de programmes n’a pas pu se poursuivre. À certains niveaux et notamment en lycée professionnel, ce lien n’a pas pu être préservé et le risque de décrochage scolaire est grand pour de nombreux élèves. Pour garantir une égalité de traitement, il faut donc que la règle appliquée par tous soit de prendre en compte le fait que le confinement n’a pas permis l’acquisition de nouveaux apprentissages et que les enseignements doivent reprendre là où ils en étaient le 14 mars.
  • Prenant en compte la diversité des conditions de confinement, il devra être clairement indiqué qu’aucune évaluation, implicite ou explicite, défavorable à l’élève ne pourra être retenue ou évoquée pour définir une décision d’orientation ou l’attribution d’un diplôme.

Ces éléments indispensables à une reprise progressive sereine, à partir du 11 mai, ou plus tard, voire en septembre, devront permettre à l’autonomie des EPLE de s’exercer dans un cadre commun défini et reconnu, permettant à chacun de revenir dans les établissements en toute confiance.

Cela nécessitera que, lorsque localement les conditions optimales pour permettre la réouverture et/ou l’accueil des élèves ne seront pas réunies, les décisions des conseils d’administration et des chefs d’établissement, dans le respect des normes et règlements en vigueur soient acceptées par les autorités, sans pression, dans une relation de confiance, de bienveillance et de responsabilité.

Cette confiance qui a pu être écornée dernièrement, est à reconstruire. C’est un impératif pour la sortie du confinement et la reprise de toute activité.

Le respect des décisions prises au sein des EPLE, en conformité avec les textes réglementaires qui seront rédigés, participeront à cette reconstruction.

Le snU.pden-FSU participera activement pour qu’une reprise progressive soit mise en œuvre, à la date qui le permettra, en préservant la santé de tous : élèves, familles et personnels. Il en va de la suite de cette pandémie.

Igor GARNCARZYK

Secrétaire général du snU.pden-FSU