Faisons « [du] temps d’enseignement perdu par les élèves au collège » un vrai sujet de débat public : derrière les chiffres et les conclusions de la Cour des comptes, la réalité des postes vacants dans les établissements scolaires et la question de la responsabilité de l’Etat

La Cour des comptes publie le 12 décembre 2025 le rapport Le temps d’enseignement perdu par les élèves au collège, un rapport qui dresse un premier bilan de la politique de remplacement de courte durée menée depuis 2023 et qui présente plusieurs recommandations.

Ce que dit le rapport

L’étude est menée sous le seul prisme de la politique de remplacement de courte durée, érigée comme priorité gouvernementale : le rapport rappelle que la question du remplacement des enseignants consacre une préoccupation croissante, en particulier des parents d’élèves, et que l’Etat se doit d’assurer le service public d’éducation et de dispenser les cours obligatoires. Les chiffres, relayés dans les médias, sont éloquents et les résultats sont loin d’être à la hauteur des crédits consommés (2,16 milliards d’euros en 2024). En 2023-2024, 9% d’heures de cours n’ont pas été assurées dans les collèges publics (contre 8% en 2018-2019). L’efficacité des remplacements de longue durée est considérée comme insuffisante (12% d’heures remplacées dans les collèges publics). De nombreuses inégalités sont également soulignées, tout d’abord territoriales, ensuite selon les matières avec un manque de vivier en français, en mathématiques, en technologie et en allemand, enfin selon les établissements avec des difficultés plus marquées en éducation prioritaire.

Ce que ne dit pas le rapport

Si des premières limites sont reconnues avec l’absence de données pour l’enseignement privé sous contrat, le rapport ne fait que survoler les difficultés structurelles qui sont au cœur du problème et qui relèvent de la responsabilité de l’Etat.

D’une part la question centrale du recrutement, des vacances de postes, du remplacement de longue durée et des moyens. Relayée par les médias, la communication gouvernementale d’une politique volontariste ciblant les absences de courte durée des enseignants ne suffit plus à masquer la réalité. A la rentrée 2024, 13% de postes ne sont pas pourvus dans le second degré. Dans les établissements, des élèves peuvent ne pas avoir de professeur(s) de mathématiques, de français ou d’une autre matière pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, voire une année scolaire entière. L’argument du manque de vivier doit effectivement être pris en compte avec la crise persistante du recrutement des enseignants : face au manque de candidats, la réforme actuelle des concours qui se limite à les avancer dans le cursus universitaire ne s’attelle pas à la question de la valeur sociale du métier d’enseignant (statut social, conditions d’enseignement, conditions salariales…). Au-delà du recrutement, c’est toute la question des moyens alloués par l’Etat qui n’est pas abordée avec par exemple en cette fin d’année civile des académies dans l’incapacité budgétaire de poursuivre les missions d’enseignants contractuels et de procéder à de nouveaux recrutements de contractuels.

D’autre part la question non moins importante du contenu et de la qualité de l’enseignement dispensé lors du remplacement. Certes la politique gouvernementale n’est pas en mesure de chiffrer le temps d’enseignement perdu à l’échelle d’une classe ou d’un élève. Mais au-delà de ce temps et des chiffres, le rapport ne s’interroge pas sur la réalité des cours enseignés aux élèves sur l’ensemble d’un cursus scolaire avec le recrutement croissant de contractuels dans le contexte d’un vivier de plus en plus restreint.

Des recommandations à l’encontre du service public d’éducation

Au-delà de cette analyse biaisée de la question du remplacement dans les établissements scolaires, le principal objectif du rapport est d’avancer des recommandations dans la continuité des politiques et du management conduits par le Ministère depuis 2017 : pour les personnels enseignants, l’annualisation du temps de travail des enseignants dans le second degré, la promotion de la bivalence et la réduction des absences dites institutionnelles ; pour les personnels de direction, le renforcement de l’accompagnement et de la formation dans la suivi des données du remplacement…

Le snU.pden-FSU s’oppose à de tels projets qui, au-delà des affichages médiatiques, s’inscrivent dans une logique délibérée et continue de dégradation et de déstructuration du service public d’éducation et de nos métiers et qui évitent les véritables questions, à savoir la réalité des moyens alloués à l’éducation et la crise persistante du recrutement des enseignants.