Protéger l’école, ce n’est pas la « sanctuariser » mais la renforcer

L’agression au couteau d’une enseignante du collège Robert Schuman de Benfeld est un nouveau bouleversement, qui touche tous les professionnels de l’éducation. Nous tenons à exprimer toute notre solidarité à notre collègue blessée, à ses proches ainsi qu’à l’ensemble de la communauté éducative de l’établissement.

Ce temps devrait être d’abord celui de la compassion et de la mise en suspens de la communication démagogique. Pourtant, il a très vite été occupé par des discours politiques en décalage avec le profil d’un agresseur au parcours difficile, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, en situation de handicap, et dont il est précisé qu’il est « sans antécédents pénaux ». Ce geste ne rentre pas dans les cases du discours de l’autorité scolaire bafouée ou de la discipline insuffisante. Et pourtant G. Attal, égal à lui-même, n’a pas manqué d’illustrer cette posture en affirmant que « l’école doit être un sanctuaire, où seul le savoir a sa place, où la violence n’a pas droit de cité. Un lieu de transmission, où l’autorité du professeur est centrale et respectée ».

Les médias d’extrême droite eux n’hésitent pas à franchir carrément le pas : « l’école de la République est malade », et le drame témoigne de « l’état de délabrement moral de notre société ».

Et comme on ne sait pas trop comment tirer les faits vers les obsessions habituelles à l’égard de la jeunesse ensauvagée, cet adolescent « mentalement fragile », fait l’objet d’une description en des termes moralement douteux. 

Il est vraiment regrettable d’avoir à souligner que sa fascination pour Hitler et les symboles SS entrent en résonance avec une atmosphère sociale qui banalise le discours de l’extrême droite.

La ministre démissionnaire saisit l’occasion pour indiquer que les faits légitiment son action et « qu’il faut continuer à travailler sur la sécurisation des enceinte scolaires ». Certes. Mais il est de fait que la seule réponse sécuritaire est une réponse courte. La policiarisation de notre métier, le recentrage sur les missions « de défense et de sécurité », ne sont pas des transformations qu’il faut s’empresser de saluer. L’exemple du positionnement sécuritaire de l’Angleterre, qui connaît malgré tout une recrudescence des crimes à l’arme blanche en milieu scolaire, montre l’échec d’une politique qui se résume à la dimension répressive.

Car, derrière ces postures, l’action publique est défaillante, notamment par un abandon des politiques de prévention. Tous les secteurs sont concernés, aussi bien les moyens de la prévention spécialisée que ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Et les drames qui ont eu lieu au printemps dernier signalaient déjà l’état critique dans lequel est entretenue la santé scolaire et le défaut des réponses à la hauteur d’une dégradation de la santé mentale des élèves.

Le drame du collège Robert Schuman invite à penser, avec lucidité et sans instrumentalisation, la protection réelle des personnels et des élèves. Cela suppose d’autres réponses : des équipes pluridisciplinaires pour accompagner les élèves en grande difficulté, une politique de prévention articulant éducatif, social et médical. En somme, une volonté d’agir sur les causes en s’en donnant les moyens, plutôt que de se contenter d’un discours qui ne protège personne, mais attise les ressentiments et contribue à empoisonner la société.