Le futur gouvernement Bayrou, nouvelle mise à jour en version 3.0 du logiciel de La République En Marche, est vendu comme la vertu du compromis, d’où par une merveilleuse émergence surgira l’intérêt général. Singulière émergence, et étrange concept d’intérêt général planant au-delà des « positions partisanes », pour la défense des parti-pris déjà partagés par les architectes macroniens de la future alliance des centres.
Cette polarité politique qui se prétend neutralisation du politique, nous la connaissons à l’Education nationale sous la forme de prescriptions qui, sous couvert de décisions techniques, imposent des choix idéologiques.
Ainsi en est-il par exemple du « choc des savoirs » imposé au nom de l’intérêt général (celui de la relance « de l’ascenseur scolaire »). Auréolé d’une évidence auto-proclamée qui ne prend aucun appui sur la recherche, le « choc des savoirs » est un produit de marketing destiné à flatter un électorat supposément droitisé. On n’a pas suffisamment souligné, à cet égard, que le concept de « groupes de niveaux » est emprunté au programme de Zemmour.
Ce mixte de propagande et de politique éducative au rabais a si peu à voir avec l’intérêt général qu’il lui nuit. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que cette politique qui focalise son discours sur le thème inintelligent du « niveau » est comptable de l’avoir elle-même fait baisser. L’échec aux dernières enquêtes internationales des cohortes d’élèves pilonnées par le blanquérisme a montré de quel côté se situe la vraie « fabrique du crétin » sur laquelle se répandent en continu, dans les médias dominants, les démolisseurs de l’Ecole publique et des fonctionnaires.
Si des interrogations se lèvent sur le positionnement de Bayrou au sujet du maintien du label « choc des savoirs », il est néanmoins peu probable que l’orientation qui sera suivie prenne ses distances par rapport à ce marqueur idéologique qu’est le discours sur les « fondamentaux » et le « niveau ».
Un projet qui tourne le dos aux ambitions d’émancipation, de justice et de solidarité que portent les acteurs de l’Ecole publique : voilà ce que risque bien de recouvrer concrètement « l’intérêt général ».
Dans ce contexte, notre métier de serviteurs de l’Etat se trouve entièrement dévoyé. Les personnels de direction sont désormais au cœur d’un système qui organise l’instrumentalisation de l’éducatif par le politique. Un management en plus en plus procédural vise à les transformer en relais d’une communication gouvernementale et en porte-drapeaux d’une couleur politique.
Malheureusement, cette logique a son répondant sous la forme d’une dévitalisation de l’action syndicale. Vidée de toute substance politique, celle-ci se réduit aux réclamations sur les difficultés à mettre en œuvre les réformes, au regret des calendriers trop serrés, de la surcharge de travail et du manque de reconnaissance.
Pour le snU.pden-FSU, ces détériorations de l’activité professionnelle ne sont pas des lourdeurs techniques et des difficultés seulement managériales. La question des rémunérations, sous-tendue par l’idéalisation du modèle du privé et par l’hostilité à la Fonction publique, en témoigne. La perte de sens par l’inféodation à un projet en porte-à-faux avec les convictions qui ont fondé pour la plupart d’entre nous notre engagement professionnel en témoigne. Ce sont les effets d’une idéologie et d’une politique qu’il s’agit de combattre et ils en sont indissociables.
C’est pourquoi nous revendiquons d’être un syndicat pour qui la défense du métier est inséparable d’un engagement militant de lutte pour des transformations sociales. On comprendra qu’au risque de nous singulariser dans notre champ syndical, nous n’aspirons pas à être « rassurés » par la continuité d’une orientation politique et par « le maintien du cadre » et du cap. Ce n’est pas de continuité que le système éducatif a besoin, mais bel et bien de rupture.