L’académie de toutes les réussites est aussi celle de toutes les audaces. L’innovation s’y traduit par une forme inédite de pilotage : celle d’un management par la leçon de morale.
Les personnels d’encadrement et de direction y sont en effet invités à voir au-delà de leurs perspectives étroites, bornées aux récriminations sur un prétendu besoin de « ménagement », répétant inlassablement l’antienne usée jusqu’à la corde de leur mal-être. Esprits chagrins qui ne veulent pas voir le positif, ignorant délibérément les belles réussites, ils s’empêchent de placer leurs actions sous la bannière de l’Académie du Bonheur.
Mais leur principal tort semble être de se lamenter à contresens. Leurs syndicats ne placent visiblement pas leurs indignations où ils devraient. Il faut croire qu’ils restent indifférents au scandale de la longueur des transports scolaires, de l’insuffisance des maternités de proximité… la montée du RN dans les milieux ruraux n’est-elle d’ailleurs pas un peu l’effet de leur impuissance à faire des établissements scolaires « autant de petites républiques » ?
C’est sous cet angle moralisateur qu’est abordée, dans l’académie de Rennes, la question des remplacements de courte durée, qui s’inscrit dans l’agenda des « priorités du gouvernement ». Situation scandaleuse en effet que celle de ces élèves privés de ce que l’école leur doit. Mais n’est-il pas ici un peu trop facile de jouer la carte du scandale ?
Sur le fond d’abord. La problématique de l’absentéisme enseignant peut-elle être sérieusement traitée sous cette forme d’un dispositif qui prétend limiter les effets sans s’attaquer à des causes profondes qui sont liés aux conditions de travail et au fonctionnement du système ?
Mais on n’insistera pas sur une stratégie qui n’a guère d’autre objectif que de nourrir un discours de communicants. Venons-en aux modalités concrètes. Le rabotage généralisé des HSE et des enveloppes Pacte n’est-il pas quelque peu contradictoire avec le claironnement des objectifs ? Qu’à cela ne tienne : la réponse est dans l’art du management, et la pression en est l’outil privilégié. L’académie de Rennes entend se distinguer dans sa mobilisation pour lier l’évaluation des personnels de direction aux indicateurs du RCD. Ces derniers sont la clé du dispositif, et c’est censé être tout l’art de leur métier que de savoir toujours faire mieux avec toujours moins.
Nous voici donc contraints et pressurés pour un système qui ne fonctionne pas : car que vaut un taux d’efficacité de 10,54% ? Ramené à la dimension d’un individu, un fonctionnement qui n’est efficace qu’à 10%, c’est un fonctionnement de toute évidence inefficace…
Le taux d’efficacité pour l’académie est fixé en 2024 à 32%. Voici une belle ambition, qui ne s’embarrasse pas des limites étriquées d’un terne et trivial réalisme ! Nous pourrions peut-être suggérer pour l’atteindre de diminuer les ORS de quelques heures, à proportion de l’écart à combler ? D’autres solutions non moins audacieuses pourraient être envisagées. Nul doute que l’imagination ne manquera pas pour y parvenir. Ne nous en privons pas. Après tout, ne sommes-nous pas conviés à écrire ensemble une belle histoire ?
Edmond Porra, Chantal Anton – SnU.pden-FSU Rennes