De la disruption aux matins bruns

L’action politique du macronisme  a consisté en une accélération néolibérale qui a détérioré les cadres protecteurs de l’Etat social relevant du droit (le code du travail), des institutions (les services publics) et des organisation syndicales. Ce régime a également affaibli la démocratie (marginalisation des mécanismes parlementaires et des instances démocratiquement élues, politique répressive à l’égard de l’expression sociale). Il est responsable d’un accroissement sans équivalent jusqu’alors des inégalités par une politique favorable aux plus riches (défiscalisation du capital, limitation des salaires, ponction sur les classes moyennes et défavorisées, encore aggravée par les réformes des retraites et de l’assurance chômage). Le désengagement de la puissance publique a conduit à l’effondrement des services publics, creusant les inégalités territoriales, alimentant un sentiment de déclassement des milieux populaires qui a favorisé l’émergence des ressentiments et des expressions de la haine raciale. On pourrait prolonger encore longtemps le recensement de ses effets dévastateurs. Le fait est que cette politique a méthodiquement détruit les digues qui préservaient ce qui restait encore du « pacte républicain ».

Mais le macronisme ne s’est pas contenté d’être l’incubateur du vote RN par sa politique antisociale. Il a contribué à la fascisation d’une partie de l’électorat par l’appropriation de ses thèmes et légitimé les solutions de l’extrême droite en épousant en grande partie de son projet sur les questions de la sécurité, de l’immigration (sans état d’âme face aux atteintes au droit du sol) et de l’Ecole. L’attalisme se révèle être un bardellisme parfaitement orthodoxe en matière de politique éducative et les discours deviennent indiscernables dans la surenchère sur la régénérescence nationale et le retour à l’ordre et à l’autorité. La stratégie médiatique du pouvoir nourrit la crédibilité et la respectabilité des positions d’extrême droite dans cette campagne qui consiste à identifier la gauche au populisme et à la dénigrer à l’unisson du RN en retournant contre elle une accusation d’antisémitisme. Et c’est avec la même mauvaise foi d’une démagogie à la limite de la décence que le Président de la République endosse dans sa communication électorale un rôle conforme à l’image dégradée qu’il se fait du peuple, s’autorisant à flirter avec des propos transphobes et dénonçant un Front Populaire « immigrationniste ».

A rebours de la « disruption » permanente qui a ouvert la voie à l’extrême droite, le programme du Nouveau Front Populaire incarne le dépassement de l’alternative entre les idéologies du néolibéralisme autoritaire et du nationalisme xénophobe. En proposant le relèvement des salaires, l’abaissement de l’âge de départ à la retraite, la reconstruction d’une sécurité sociale et professionnelle dégradée avec une politique moins favorable au capital, le réinvestissement dans les services publics, la réparation d’un système éducatif mis à mal par un centralisme autoritaire au service d’une idéologie favorable au tri social, ce programme répond à l’urgence de reconstruire les solidarités de l’État démocratique et social. Affirmer cela n’est pas donner un hypothétique blanc-seing à des partis et il est temps de prendre conscience que l’heure n’est plus à la réserve et aux atermoiements imaginaires. Le snU.pden-FSU réitère son appel à soutenir la seule force politique à même de rendre crédible une perspective émancipatrice en faveur des libertés, de la démocratie, du progrès social et environnemental.

Bobigny, le 27 juin 2024

Bureau national