Augmentation des personnels de direction :

Comment avoir l’éthique en bandoulière ?

Jeudi 10 décembre, le magazine « Cash Investigation » montrait sur France 2 comment les services civiques étaient utilisés par Pôle emploi et les Préfectures notamment. Il en ressort que les jeunes, indemnisés moins de 600€ par mois, remplacent des fonctionnaires dont les postes ont été supprimés. Les différents services sont en très forte tension, les situations d’arrêts des titulaires nombreuses. Interrogé par Elise Lucet, Gabriel Attal, alors secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education Nationale, en charge du service national universel, rétorque face caméra qu’il s’agit là de dérives et que des enquêtes administratives sont en cours.

Derrière son écran de télé, personne n’est dupe du tour de passe-passe et de la mise en place par l’Etat lui-même d’un système visant à désorganiser la loi travail. Ajouter à cela la réglementation qui interdit de prendre un service civique sur des tâches occupées par un salarié moins d’un an auparavant. Précisons quand même quelques subtilités : les indemnités des services civiques n’ouvrent pas de droit au chômage. Le service civique n’est pas considéré comme un emploi, mais comme un « engagement ». Pour autant, quand un service civique remplace un ancien fonctionnaire, on revient vers cette foutue notion d’emploi… Damned !

Alors-alors, me dîtes-vous… Pourquoi tu nous parles de tout ça. Quel rapport avec nous ?

Cherchons bien… Les nouvelles suppressions de postes ? De là à dire qu’à un moment des services civiques feront le boulot à la place des profs… Cherchons encore : la paupérisation du service public ? Avec par exemple, le gel point d’indice. Pensons aussi aux enseignants qui ont âprement négocié une prime d’équipement informatique (150€, ça vend du rêve !), mais avec une dédicace pour les professeurs documentalistes, exclus du dispositif. Pas d’augmentation salariale prévue pour les profs. Les catégories B et C : des augmentations dans certains services déconcentrés, mais pas dans les EPLE… Tiens-tiens, une piste.

Et nous alors ? Les personnels de direction ? Hé bien, nous, nous allons bénéficier d’une augmentation dès 2021. Pas si simple à assumer, par les temps qui courent, même si cela ne fera pas de mal au porte-monnaie. Mais bon… Attention… Ce serait trop beau parce que, surprise-surprise, tout le monde ne sera pas concerné. Pas les chefs de catégorie 4ex, par exemple. Et, cerise sur le gâteau, les adjoints toucheront beaucoup moins que les chefs eux-mêmes (26% – 9% sur la part fonctionnelle).

Nous, au snU.pden-FSU, ça nous questionne. La logique ministérielle qui conduit à une refonte de la part fonctionnelle à partir du principe qu’un chef ne doit jamais toucher moins qu’un adjoint, dans le cadre d’une enveloppe contrainte, le refus de faire glisser la part résultats sur la part fonctionnelle, entraîne des aberrations. Oui : c’est quoi ces mesures ? Quel est leur sens ? Pourquoi certains et pas d’autres ? Sur quels critères choisit-on certaines catégories d’établissement plutôt que d’autres ? En échange de quoi ? Le passage de l’évaluation triennale à une évaluation annuelle, qui fait rentrer les personnels de direction dans le cadre général de la fonction publique, nous le réclamions. Le refus de dérogation au cadre général, telle que l’ont pourtant obtenue les enseignants, entraîne de fait à entériner l’évaluation des adjoints par les chefs. Cela nous ne pouvons pas l’accepter.[1]

Donc l’évolution de l’indiciaire comme principe de gain de rémunération, c’est fini ? Comme on est avec des gens qui savent manier les symboles, c’est ce qu’on doit comprendre. C’est le joli cadeau à mettre sous le sapin. Alors cette augmentation, indemnitaire, on ne va pas dire qu’elle ne va pas nous faire un peu de bien individuellement. Mais d’un point de vue éthique, honnêtement, dans un contexte plus large que le nôtre, bien sûr, elle casse les solidarités et éloigne les personnels de direction de l’ensemble des autres personnels placés sous notre autorité.

Dans ce contexte bien morose, le snU.pden-FSU vous souhaite à toutes et à tous d’heureuses fêtes de fin d’année, que ce soit celles de Noël ou du nouvel an et une année 2021…

Bobigny, le 15 décembre 2020

Igor Garncarzyk, secrétaire national

et Samuel Lautru, secrétaire national-adjoint


[1] Nous faisons partie du même corps, parfois avec un grade différent ; comment parler de travail et d’équipe de direction si un rapport hiérarchique autre que fonctionnel est installé ?