Deux semaines de vacances, fin juillet – début août, pour les plus chanceux des proviseurs et adjoints de lycée. Sinon, de longues journées passées devant les écrans à tenter de trouver des solutions d’emploi du temps et de structure, à reconfigurer ce qu’il reste des classes. Faire en sorte que les emplois du temps des professeurs restent convenables. Se rendre compte que ceux des élèves ne passent pas. Faire de nouveaux essais, ouvrir les plages de cours sur le mercredi après-midi, quand ce n’est pas le samedi matin.
Jamais encore nous n’avions vu des collègues de lycée dans un tel état de fatigue, de lassitude pour ne pas dire de découragement avant une rentrée scolaire : « bosser beaucoup, ça n’est pas un problème », confie un collègue, « ça fait partie du job. Et quand on sait que ce qu’on fait sert à quelque chose, qu’il y a une plus-value pour les élèves, les collègues, l’établissement, honnêtement, c’est une grande satisfaction ». Mais cette année, « on a bossé comme des malades, on a travaillé douze heures par jour pour présenter un résultat qui nous fait honte devant les personnels et les élèves ». Ailleurs, une cheffe d’établissement tient debout devant son équipe. Les larmes aux yeux, elle explique qu’elle est à bout. On est le 31 août 2020…
« On ne va pas pouvoir continuer comme ça, c’est impossible », explique un autre collègue. Le rythme, la cadence, les horaires et surtout l’efficience du travail, les appels des familles mécontentes. « Sur le fond, le principe de la réforme du lycée est intéressant : les élèves peuvent choisir, ils mêlent des combinaisons qui leur permettent de gérer leur parcours. » Seulement, en face, les moyens ne sont pas là. « Cette réforme a été pensée d’en haut, par des gens complètement hors sol, qui n’ont absolument pas évalué les impacts sur les structures. Si on veut conserver les principes du libre choix des élèves, c’est absolument ingérable. On a l’impression que le ministère s’en fiche et que ce qui compte, c’est la com’. » Constat implacable. Dans d’autres établissements, les enseignants constatent que des cadors des emplois du temps n’ont pas réussi à boucler leur EDT. Consternation en salle des professeurs. Les horaires ne sont pas respectés : « ça ne passe pas ».
Ce que les collègues pressentaient en octobre dernier s’est réalisé : la finalisation de la réforme du baccalauréat plante littéralement les établissements.
Le mouvement des personnels de direction se profile. Qui va vouloir prendre la direction de lycées devenus impossibles à piloter du fait du manque de moyens, de l’absence totale de soutien de la part de la tutelle ?
On voudrait casser les personnels qu’on ne s’y prendrait pas autrement. On pourrait proposer une lecture beaucoup plus cynique de la situation actuelle : peut-être n’est-ce pas tout simplement voulu et pensé… Les décrets passés pendant l’été permettent de calculer les ruptures conventionnelles des personnels, l’instrumentalisation de la pandémie par le gouvernement a ouvert encore plus la voie à la libéralisation et au périscolaire, l’entourage proche du président de la République ouvre des établissements privés. Interprétation osée ? Qui tire les ficelles à votre avis ?
Bobigny, le 7 septembre 2020,
Le Bureau national