« Transformer la voie professionnelle », notre syndicat s’interroge sur les motivations qui animent cette volonté de « transformation » ?

Transformer la formation professionnelle des jeunes lycéens dans quel but ? Et qui sont les élèves des LP ?  

 Pour le snU.pden-FSU, la priorité, en LP, comme dans les autres niveaux de formation et d’études consiste à élever le niveau de chaque élève pour l’amener au maximum de ses capacités en veillant au bon équilibre et à la cohésion des enseignements professionnels et généraux. Le projet ministériel répond-il à notre préoccupation ?

Pour la plupart des élèves de LP, les difficultés scolaires débutent dès le plus jeune âge et sont nettement identifiées dès le CP. Généralement, le déterminisme social conditionne la suite de la scolarité qui se dégrade tout au long des années de l’école primaire et du collège. Ce constat est malheureusement invariable depuis des décennies. Aussi, les LP héritent d’élèves majoritairement en conflit avec le système scolaire, considérant le monde des adultes comme étant hostile à leurs désirs de liberté, de moins d’école, de recherche de systèmes D ….pour échapper aux contraintes des apprentissages scolaires et professionnels.

Pourtant, même s’il est toujours possible de faire évoluer la vie des LP, il faut bien reconnaître qu’ils permettent à de nombreux élèves de retrouver de la confiance en eux, de l’estime de soi au travers de meilleurs résultats scolaires pour accéder, finalement, à la réussite aux examens (CAP, BEP et BAC PRO) avec des taux nationaux qui oscillent entre 80 et 90 % selon les filières, ce qui démontre la qualité et l’efficacité des enseignements en LP.

Les besoins sont en la matière immense : redonner confiance, redonner du sens aux élèves et aux éducateurs, redonner de la fierté. Ce projet nécessite alors un enseignement de petits groupes éloigné des seuils imposés aux LP.

Que nous dit et promet le ministre ?

« Nouveau lycée professionnel, une nouvelle voie vers l’excellence
La transformation de la voie professionnelle, indispensable pour permettre une meilleure insertion des jeunes sur le marché du travail  est une priorité de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Le lycée professionnel se transforme donc pour former les talents aux métiers de demain et offrir aux élèves un tremplin vers une insertion dans la vie active ou vers des poursuites d’études réussies… »

Encore et toujours de belles déclarations d’intention avec la philosophie clairement affichée et « claironnée » dans toutes les réunions préparatoires à la réforme : « Enseigner moins pour enseigner mieux »!!! Comment obtenir l’adhésion des enseignants et de tous les personnels avec un tel slogan, pour le moins provocateur  ?

Quel est le sens de la réforme ?

La réforme se met en place dans la confusion de nouvelles grilles horaires tardives, des contenus non définis d’enseignements fourres- tout, d’aide individualisée, d’éducation aux choix, de formation à l’œuvre mythique, de formation professionnelle segmentée dans les compétences…

Ce « bricolage » tend alors à mettre en place des contenus requis variables selon la politique d’établissement… Le lycée professionnel – voulu comme autonome- délivre alors une culture variable selon ses spécialités, selon les contraintes immédiates définis par son environnement économique immédiat et cela aux dépens d’une formation donnant une culture commune exigeante tournée vers l’avenir. Dans ce système variable nul besoin de l’État qui unifie d’où la lente dérive du lycée professionnel vers la tutelle des régions voire des organismes professionnels privés.

Sur le plan purement pédagogique ?

Même si on peut et on doit  porter de l’intérêt à l’introduction du co-enseignement qui peut redynamiser les pratiques pédagogiques pour davantage de travail collectif, en équipe pluridisciplinaire,  en impliquant plus encore les élèves dans leurs apprentissages, force est de constater que des années scolaires 2019/2020 jusqu’en 2021/2022 les suppressions de postes d’enseignants seront conséquentes.

Quant à l’introduction de l’apprentissage dans les LP, cela peut répondre éventuellement à un réel besoin pour certains jeunes, mais cela doit être exclusivement sous statut public, via les CFA Académiques et à la marge en terme d’effectif. Mais soyons justement vigilants quant à la finalité de formation immédiatement rentable au travers d’un risque d’une frénésie de l’apprentissage. Chaque lycée professionnel aurait la possibilité d’avoir des apprentis pourvu que le chef d’établissement soit un VRP efficace en décrochant des contrats.

Le recours à l’apprentissage ?

Pourtant l’apprentissage a déjà donné les signes de ses limites, dépendant de l’emploi, malgré les systèmes de primes aux employeurs, il y a peine à faire émerger ces contrats. Dans les faits la population cible de ces contrats est bien plus réduite chez les jeunes scolarisés en lycée professionnel : ce sont avant tout les jeunes pourvus de savoir être et ayant du fait de leur parcours un capital d’autonomie qui peuvent accéder à l’apprentissage. Les entretiens de recrutement sont en la matière sans appel. Alors pourquoi cette quête ? Pourquoi remettre en cause la Formation Initiale sous statut scolaire avec ses 22 semaines de stage en entreprise ? Le coût d’un lycéen de la voie professionnelle est de l’ordre de 12000 euros, un apprenti est pris en charge par l’entreprise et la collectivité au travers des subventions… La finalité économique néchappera alors pas : à quoi bon un système unifié pris en charge par la collectivité quand on vise essentiellement l’employabilité immédiate et la baisse des coûts !

Finalement, est-ce de moins d’enseignement, d’instruction, d’éducation et de culture générale dont les élèves de LP ont besoin pour aller vers l’excellence ?

A cette population scolaire en souffrance qui aurait davantage besoin d’adultes (enseignants, personnels médico-sociaux, psy EN spé de l’orientation-feu nos COP-, AED, CPE, AESH, Éducateurs…) autour d’elle pour être conduite vers un statut de citoyen responsable, capable de réfléchir pour décider de son avenir, on va offrir une formation expéditive, rabougrie, pour, soit disant, la rendre opérationnelle au plus tôt sur le marché du travail…tandis qu’une minorité pourra prétendre à des poursuites d’études supérieures via « parcoursup ».

Le snU.pden-FSU condamne toute tentative de réforme portant atteinte à l’épanouissement général de la jeunesse du pays. L’État doit maintenir et développer son engagement en direction des générations qui constituent l’avenir de la France, il s’agit d’un devoir républicain  de sauvegarder et de renforcer le Service Public de la Formation Professionnelle sous statut scolaire qui passe par un véritable projet d’éducation et de formation !

Le bureau national

Paris, le 13 février 2019