Monsieur le Ministre,
Le snU.pden-FSU vous interpelle sur l’inertie de notre ministère quant à la dégradation des conditions d’exercice du métier de personnel de direction.
Il ne nous suffit plus d’être « écoutés » sur l’expression du « mal être » des personnels de direction. Il n’est plus supportable à nos collègues que ces doléances ne soient pas suivies d’effet. Cette inaction laisse penser que les préoccupations qui vous sont remontées par l’ensemble des organisations syndicales ne sont perçues que comme une antienne bien convenue, qu’une adaptation inévitable au changement finira bien par éteindre.
Moyens et contextes de travail, rémunérations, gestion des carrières, ces doléances sont nombreuses. Nous attirons cependant votre attention sur une difficulté qui, pour être au cœur d’une situation devenue critique, est si peu entendue par notre ministère que celui-ci s’emploie à l’aggraver. Elle concerne l’organisation du pilotage et le management éducatif. Notre profession est profondément mise à mal par la généralisation d’un mode de pilotage par protocoles et dispositifs systématiquement descendants.
Plus que le temps et les moyens nécessaires à la construction du sens de l’action éducative, dominent la communication et le court terme. Le cadre de l’activité dans les établissements est la forme désormais exclusive de la mise en œuvre des « bonnes pratiques », où il ne s’agit plus seulement de poser les finalités éducatives, mais d’imposer les procédures. Le « dispositif » est devenu modèle de pilotage. L’action, de plus en plus centralisée, est empilement des dispositifs de commande, nécessitant autant de référents dont les viviers, à force de tirer sur la corde des bonnes volontés, se tarissent.
Le management des personnels de direction repose de plus en plus sur une logique de cases à cocher, où l’évaluation de notre travail se résume à une comptabilité des actions menées, plutôt qu’à une appréciation qualitative de leur pertinence et de leur impact au regard des réalités de terrain.
La protocolisation systématique de notre action est ressentie comme une défiance à l’égard des personnels d’éducation, de leur professionnalité, et en premier lieu, de la nôtre. Nous nous permettons de l’affirmer, Monsieur le Ministre, cette défiance est devenue réciproque. Lorsqu’une institution ne fonctionne plus que par le contrôle, elle a déjà perdu toute autorité.
Ce fonctionnement est d’autant plus destructeur, et d’autant moins porteur de sens, que l’inflation et l’accélération des modalités injonctives, la multiplication des référents… s’accompagnent de l’insécurisation et de l’érosion de nos moyens (Pacte, HSE, IMP, Adage…). Nous sommes de ce fait mis en difficulté permanente, contraints à une incapacité structurelle à organiser l’action du collectif, obligés à une rupture du contrat éducatif avec les usagers, incités à réduire nos priorités à des effets d’affichage.
Il devient difficile d’écarter le sentiment qu’une politique exclusivement communicante sert de palliatif à l’absence des investissements nécessaires dans l’éducation et la formation.
Parmi ces injonctions, certaines font planer le doute sur notre engagement et nos compétences, comme sur ceux de nos équipes. Ainsi, formaliser des stratégies de réussite en 4ème et 3ème, c’est dire que l’on a besoin « d’un pilotage renforcé » par plus de contrôle, pour faire mieux, à moyens constants, que ce qu’on faisait jusqu’à présent. Faut-il penser que pour notre hiérarchie, nous avons besoin pour agir en professionnels responsables et en fonctionnaires attachés au bien public, de mesures qui nous y incitent par la contrainte ? C’est clairement, Monsieur le Ministre, injurier notre profession.
Nous ne pouvons en l’occurrence faire les frais d’une stratégie de communication politique. Car il est clair qu’il ne s’agit là que de mettre en avant, par le maintien d’une forme édulcorée du « choc des savoirs, un narratif de la continuité.
Le cas de ces « stratégies de réussite » pourrait n’être qu’anecdotique. Il ne l’est plus lorsqu’il apparaît que des directions académiques font pression sur nos collègues pour forcer leur mise en œuvre.
C’est pourquoi nous vous informons, Monsieur le Ministre, que le snU.pden-FSU appelle les personnels de direction à refuser la mise en œuvre des stratégies de réussite en 4ème et 3ème, et à ne plus répondre aux injonctions pour tous les dispositifs qui ne font pas sens, jettent le discrédit sur les professionnels de l’école et ne sont pas justifiés par des moyens supplémentaires.
Nous ne demandons pas « que les réformes aillent moins vite ». Nous ne demandons pas non plus d’être « accompagnés » pour nous aider à nous adapter à la disruption permanente. Nous demandons un changement de méthode.
Nous vous engageons, Monsieur le Ministre, à initier cette rupture. En redonnant du sens à l’activité des professionnels de l’éducation, en restaurant la confiance dans les collectifs de travail, vous pouvez incarner une toute autre vision, réellement porteuse des transformations dont notre école a besoin. L’enjeu en est inestimable.
En vous renouvelant l’expression de notre profond attachement au service public de l’Éducation nationale, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de notre considération respectueuse.
