Alors que le 11 janvier 2023 tombaient les propositions du Gouvernement pour engager le débat législatif sur la réforme des retraites, dans le même temps, les dotations 2023-2024 étaient communiquées aux établissements, accompagnées de suppressions de postes en nombre (aux alentours de 1500 pour l’enseignement public) et la mise en place de la réforme de l’Enseignement Professionnel était poursuivie.
A cela s’ajoute une communication ministérielle qui s’appuie, pour détourner l’attention citoyenne, sur des annonces qui nous laissent pantois tant sur la forme que sur le fond.
Un bon début d’année !
Ces trois événements qui marquent notre début d’année présentent quelques points communs : un diagnostic, présenté comme fait objectif qui ne peut être ni contesté ni débattu et une communication basée sur « le bons sens » :
– Réforme des retraites : un déficit à résorber absolument et l’espérance de vie qui s’allonge donc il faut travailler davantage…
Autant d’éléments discutables, que de nombreux analystes (économistes, démographes,…) portent au débat. Par exemple, citons les données du site de la Direction de la Recherche, des Études et des Statistiques, direction de l’administration centrale des ministères sanitaires et sociaux : « en 2016, l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, s’élève en France à 64,1 ans pour les femmes et à 62,7 ans pour les hommes. Elle est stable depuis dix ans. » La retraite à 64 ans signifie donc qu’un grand nombre de personnes la prendront sans en vivre aucun temps en « bonne santé ». Autre illustration du débat nécessaire sur la nécessité même de cette réforme, la question du déficit. Rappelons qu’en 2022 le système actuel est bénéficiaire. Les travaux du COR (Conseil d’orientation des Retraites) estiment à 7,8 milliards par an le déficit dans les années 2025, ce qui équivaut à peu près à 0,5% du PIB, bien loin de l’effort de l’époque du CNR ! Quel État ne serait pas en capacité de réaliser cet effort si les finalités politiques, les enjeux de société le justifiaient ? Rappelons pour placer les ordres de grandeur que chaque année les exonérations accordées aux entreprises sans contrepartie sont évaluées à 60 milliards ! Nous sommes avec ce projet de réforme face à des choix de société, des choix politiques et non des obligations structurelles, sauf à vouloir accepter la politique libérale imposée par l’UE.
– Suppression de 1500 postes d’enseignants justifiée par la baisse démographique. Non, ce choix n’est pas non plus imposé. La description des difficultés rencontrées par les élèves qui sert de point d’appui aux annonces qui seront abordées en troisième point, aurait dû à elle seule justifier le maintien, voire l’augmentation des effectifs dans les établissements. Les traces durables laissées par les années « Covid » ne sont pas prises en compte, les effectifs de classe dans de nombreuses académies sont en augmentation, diminution de l’offre de formation, diminution des dispositifs d’aide et d’accompagnement. Autant de conséquences néfastes liées à la suppression massive des postes. Il aurait pu, il aurait dû en être tout autrement pour favoriser la réussite de tous nos élèves. Choix politique et non fatalité.
– Enfin des annonces ministérielles qui ont pour objectif de servir de cache misère, objectif atteint dans de nombreux médias grand public :
Les élèves rencontrent des difficultés. Vrai. Quelle analyse pour aboutir aux solutions préconisées par notre Ministre ? Aucune. La réduction du nombre d’heures d’enseignement au primaire … oubliée, Des réformes inefficaces et contre productives … oubliées. Des conditions de travail des personnels qui se détériorent au fil des ans … oubliées et nous pourrions poursuivre la litanie.
Des solutions mais quelles solutions ?
Pour l’École : la dictée, le calcul mental, des évaluations en CM1 :
extrait du site du Ministère de l’Éducation Nationale : « dès ce mois de janvier, des recommandations pédagogiques, par exemple sur la pratique régulière de la dictée, la pratique quotidienne de la rédaction, la régularité du calcul mental, sont adressées aux professeurs de CM1 et de CM2, aux formateurs et aux inspecteurs afin de leur donner les moyens de faire réussir tous les élèves ; à compter de la rentrée 2023, tous les élèves de CM1 passeront des évaluations nationales en Français et en Mathématiques qui donneront aux professeurs des repères pédagogiques afin d’éviter que les difficultés ne s’installent. » Indigent !
Pour le Collège : « Des professeurs des écoles interviendront en classe de 6e pour favoriser la transition entre l’école et le collège et soutenir l’apprentissage des savoirs fondamentaux ;
· Chaque élève bénéficiera d’une heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement en Mathématiques ou en Français, autour des compétences clés, afin de remédier aux difficultés des plus fragiles et de cultiver l’excellence des plus à l’aise . · Le dispositif « Devoirs faits » sera rendu obligatoire afin de donner davantage d’autonomie aux élèves et ainsi réduire les inégalités devant les apprentissages. »
La question du dispositif « Devoirs faits » rendu obligatoire et de sa mise en œuvre avec les enseignants du 1er degré interpelle. L e caractère obligatoire pour tous les élèves de 6e : par qui ? Intégré dans les services ? Sur quel projet ? quid de la mise en œuvre existante dans les établissements ?
Le soutien aux « savoirs fondamentaux » se fera au détriment de la Technologie comme explicité dans le BO du 6/1. Ceci signifierait-t-il qu’il y aurait, selon le Ministère une hiérarchie entre les disciplines ? Comment faire accepter une telle mesure par des équipes enseignantes alors que nous travaillerons à moyens constants ?
Et enfin cette sentence : « la classe de 6e marque souvent pour les élèves et leur famille une rupture brutale. » Merci Monsieur le Ministre pour cette évaluation du travail accompli depuis de nombreuses années par les équipes ! Nous avions l’habitude du mépris témoigné par l’ex-ministre Blanquer, nous espérions mieux de Monsieur Ndiaye. Hélas … Et vous osez Monsieur le Ministre appeler cela une réforme.
A cela vient s’ajouter l’imposition de l’uniforme qui loin d’être un détail, est un symbole et pose la question du positionnement politique actuel de l’ensemble des mesures proposées. Celles-ci viseraient l’amélioration des résultats scolaires et l’égalité des chances ; en fait, il n’en n’est rien. Il s’agit d’ajustements pour gérer la pénurie dans un contexte global de réduction de la dépense publique.
Le 17 janvier la FSU avait annoncé une journée d’actions pour les salaires, la voie pro et les conditions de travail dans l’Éducation. Les personnels de direction, qui vivent au quotidien la dégradation de leurs conditions de travail, doivent s’y associer.
La journée de grève du 19 janvier contre la réforme des retraites doit constituer un temps fort marquant la forte opposition à cette nouvelle régression de nos droits : allongement de la durée de cotisation et recul de l’âge légal. D’autres choix progressifs existent. Le rapport de force doit permettre de les mettre en avant.
2023 doit être l’année du succès de nos combats pour une société de progrès.
Le snU.pden-FSU y prendra toute sa place.
Le Bureau national
Paris, le 11 janvier 2023