Président de la République et Ministre de l’Éducation Nationale : constats partiels, absence d’analyse et fausses pistes pour l’avenir

Nous ne partageons pas le prédicat du président de la République par lequel il affirme que la réussite des enseignants « travail exceptionnel de chacun et chacune » serait empêchée par une organisation à bout de souffle. L’organisation collective de l’École Publique qui engage l’État sur ses réussites et ses échecs est garante d’une égalité devant la loi dans tous les territoires de notre République : elle fait la République. Le projet libéral déjà déployé sur les premières années de son double quinquennat (renforcement d’une hiérarchie verticale, abandon des instances paritaires, expérimentations locales précipitées, évaluation des établissements, renvoi de la compétence de la formation professionnelle par apprentissage aux branches professionnelles, recours de plus en plus massif et systématique à l’emploi de contractuels, ) démontre une volonté idéologique de faire « une révolution copernicienne » qui a déjà été largement engagée sous la mandature « Blanquer ».

Non au projet libéral déployé depuis 2017

Nous ne partageons pas ce prédicat, que le président fasse ce qu’il refuse depuis six ans : qu’il nous demande quelles solutions nous avons pour renforcer cette école de la République. Nous voulons une Éducation Nationale École de la République détachée des contingence politiques/politiciennes locales, ancrée sur des valeurs, des programmes et des personnels fonctionnaires d’État : c’est plus que jamais nécessaire à notre société qui est confrontée aux intégrismes et à la misère croissante dans un contexte international incertain…

Qu’il ose mettre les moyens de ce renouveau que nous appelons de nos vœux, et sans cette réserve insultante de conditionner un rattrapage du revenu des enseignants à un supplément de travail. Au cours de ces dernières années, ils ont déjà très largement élargi leurs tâches au-delà de leurs simples activités d’enseignement.

En quelques lignes, le président de la République a réussi sa démonstration : il ne connait pas notre École, il croit qu’appliquer les principes de management et d’organisation de l’industrie sera -en elle-même- une solution de progrès. Il croit qu’une annonce de 500 millions comme solde de tout compte suffira. Un chèque parmi tant d’autres… Telle est l’ampleur de son ambition.

Les risques sont réels et immédiats : avec la généralisation du principe de contractualisation sur le cœur même du fonctionnement de chaque établissement, c’est une politique d’optimisation à outrance des moyens mis à disposition, une précarisation des fonctions, des personnels, des établissements eux-mêmes qui sera la règle. La loi de la jungle conduit toujours aux mêmes effets : survie des plus forts, mort des plus faibles.

Nous sommes bien loin du triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité » de notre République.

Nous ne nous laisserons pas séduire par ce discours dont le seul but est de légitimer l’ouverture de ce travail de désintégration par ce Conseil National de Refondation qui est une instance qu’il a lui-même initiée et qui semble bien mal-née.

Si nous pouvons être en accord avec le président de la République et le ministre de l’Éducation Nationale pour nous accorder sur le fait que le système scolaire français va mal, nous nous mettrons en opposition sur l’analyse des causes premières de cet état ainsi que sur les pistes dégagées pour y remédier.

Monsieur Macron écrit une lettre aux enseignants et aux personnels de l’Éducation Nationale (nous maintiendrons ici la majuscule de l’adjectif Nationale contrairement au Président). Qu’y trouvons-nous en termes d’analyses et de prospectives pour le second degré ?

Collège, lycée, lycée professionnel : le service public d’éducation en danger

Pour le collège, aucune interrogation sur les conditions d’enseignement, classes surchargées, enseignants épuisés par les heures supplémentaires et autres tâches. Aucune interrogation sur la réduction des moyens accordés aux établissements pour permettre l’accompagnement des élèves fragiles.

Au lieu de cela, le président ressort le serpent de mer de la liaison école-collège et une « demi-journée avenir » hebdomadaire. Pas un mot sur les effets désastreux des dernières réformes : loi du 5 septembre 2018 qui charge les régions d’organiser des actions d’information sur les formations et les métiers, démantèlement des CIO, psychologues conseillers d’orientation en nombre trop réduit pour intervenir efficacement dans les établissements…

L’inclusion et le handicap sont abordés par Monsieur le Ministre. Ici non plus les conditions indignes de rémunération et de temps partiel imposé aux AESH ne sont pas envisagés sur le fond, pas plus que les conditions pour permettre une inclusion efficace des élèves qui relèvent du champ du handicap, dont effectifs des divisions et locaux adaptés.

Concernant la faiblesse des résultats, sur ce point également, aucune remise en cause des politiques désastreuses menées ces dernières années : c’est la pédagogie des enseignants qui n’est pas adaptée ! Mépris ou provocation ?

Pour le lycée, satisfecit également du Ministre. Pas d’interrogation sur les effets délétères de la sélection instaurée par Parcoursup, de la réforme du baccalauréat dont chacun mesure aujourd’hui les effets pervers sur la nature des apprentissages réalisés par les élèves. Pas plus d’interrogation sur les effets des classes surchargées et de l’obligation de mettre en œuvre des emplois du temps qui, pour répondre à la complexité des structures, détériore les conditions de travail des lycéens et de leurs enseignants.

Danger pour l’enseignement professionnel dont le projet de réforme fait craindre le pire avec en ligne de mire des formations dont les finalités seraient uniquement de s’adapter aux besoins des entreprises, une augmentation massive des stages au détriment des enseignements généraux et professionnels dispensés dans le lycée, un abandon du cadre national.

Où sont les ambitions émancipatrices du lycée professionnel ? Allons-nous vers une nouvelle étape avec :

  • la création de diplômes locaux
  • la reconnaissance de compétences acquises

au détriment de diplômes nationaux structurant nombre de secteurs professionnels ?

Rappelons que le modèle de l’apprentissage survalorisé dans ce projet de réforme amène 40 % de jeunes à des ruptures de contrats subies, des jeunes qui restent sur le carreau, sans qualification, obérant de manière alarmante leur avenir professionnel. Ce modèle est également extrêmement défavorable aux filles, puisqu’elles ne représentent que 30% des apprentis. Ce système discrimine de plus en fonction de l’origine des apprentis. Est-ce modèle que nous voulons voir s’étendre à la formation initiale en lycée professionnel ? Le snU.pden-FSU le récuse.

Enfin, sous-jacent à toutes les orientations apparaît une réorganisation profonde des EPLE. Après la double tutelle instaurée à cette rentrée pour les adjoints gestionnaires, la position hiérarchique du chef d’établissement sur le chef d’établissement adjoint (deux évolutions que nous combattons encore aujourd’hui), les projets gouvernementaux créent une autonomie des EPLE et des équipes qui se place très au-delà de la nécessaire adaptation de nos établissements au cadre national. Cette nouvelle étape renforcera la contractualisation des EPLE, de ses moyens et des personnels. Elle renforcera les postes à profil ainsi que le profil de chef d’établissement « recruteur », dans un cadre, de fait, concurrentiel. L’annonce de 500 millions d’euros pour le fonds d’innovation pédagogique, attribués sur projet retenus par le Recteur, en constitue la partie émergée. Plutôt que cette attribution parcellaire, un budget ambitieux pour l’Éducation Nationale devrait attribuer des moyens suffisants à chaque EPLE pour répondre à ses missions.

Mépris ou provocation par rapport aux personnels ?

Enfin la rémunération des personnels. Alors que les enseignants sont pour nombre d’entre eux épuisés professionnellement par des heures d’exercice et des fonctions déjà existantes (2 HSA imposées et souvent davantage, professeurs principaux, devoirs faits, référents, tutorat, missions de formation…) il faudrait non pas revaloriser la grille indiciaire mais rémunérer encore de nouvelles tâches ! Ce serait cela le pacte ?

Monsieur le président de la République, vous affirmiez que vous n’aviez pas connaissance de l’existence des projets d’établissement, sans doute pour mieux affirmer votre volonté de renforcer les contractualisations, à moins que cette déclaration ne traduise une véritable méconnaissance du système, prenez connaissance des conditions d’exercice réelles de l’ensemble des personnels des EPLE. Vous vous rendrez compte alors qu’un gain de rémunération ne peut être lié à l’exercice de nouvelles missions mais que les personnels méritent la revalorisation de leur rémunération en maintenant, voir en allégeant les charges de travail actuelles. Les personnels de direction doivent bénéficier de cette revalorisation, non pas par la part résultats de l’IFRR mais par une revalorisation indiciaire pour tous les personnels de direction. Cette absence de reconnaissance de l’investissement des personnels est méprisante.

Alors oui l’École de la Nation, ses élèves et ses personnels ne se portent pas bien. Mais la faute n’en revient pas à ses personnels. La faute première relève des politiques éducatives, budgétaires, salariales menées ces dernières années.

Monsieur le président, Monsieur le Ministre, écoutez les représentants des personnels qui vous disent la réalité de leur métier, de leurs conditions d’exercice et traduisez-les en décisions politiques progressistes. Les enjeux sociétaux et écologiques le nécessitent.

Et vous, personnels de direction, rejoignez et portez un syndicat qui n’accompagne pas ces politiques désastreuses. Le snU.pden-FSU est ce syndicat.

Participez à la journée d’action du 29 septembre !

Le 21 septembre 2022, le bureau national du snU.pden-FSU