Les personnels de direction sont une nouvelle fois placés sur la ligne de front.
Nous avons une trop haute vision de l’École Publique nationale Laïque, obligatoire, au service de tous pour nous mettre au diapason d’une actualité, aussi dramatique soit-elle. Communiquer au plus haut niveau sur l’annonce d’audits dans tous les rectorats jette l’opprobre indistinctement sur tous les services, tous les établissements comme si aucun travail de terrain n’avait été fait avant.
Permettre le menottage d’un élève dans une classe devant toute la communauté scolaire « pour l’exemple » pour finir par une sanction annoncée d’heures de travaux d’intérêt général n’est pas digne d’un état qui se dit moderne et développé.
Sur le fond, notre ministre l’a écrit dans sa lettre aux personnels de direction dans la politique du pacte «….C’est un changement important dans le fonctionnement de nos établissements, à travers les missions complémentaires proposées aux professeurs. Le Pacte implique d’adopter de nouveaux réflexes, de nouvelles organisations ….». La logique libérale de fracturation de la dimension nationale de l’École Publique (déjà très avancée à travers les réformes du lycée) et du renvoi à du management en local peut séduire certains, mais ne fait pas consensus. Ce n’est pas cette vision de l’École que défend le snU.pden-FSU
Le refus du dialogue social qui questionne
Sur des thèmes aussi importants que le harcèlement en milieu scolaire (et non harcèlement scolaire…), ou celui de la rupture du principe de continuité de service, le gouvernement refuse l’analyse systémique dans le cadre d’un dialogue social productif. A contrario, il préfère, publiquement, renvoyer la responsabilité des dysfonctionnements aux acteurs locaux, dont les personnels de direction.
Cette incapacité à accepter le dialogue et le débat contradictoire, pourtant essentiel en démocratie, constitue une situation inédite. Le fait que l’ensemble des organisations représentatives des enseignants ait quitté l’audition à laquelle elles participaient du fait de propos insultants de députés de la majorité et du RN, niant la représentativité des organisations présentes est inadmissible. La de faiblesse déplorable de la considération et de l’écoute du gouvernement, de sa majorité parlementaire, et des élus du RN envers les organisations syndicales représentatives ne peut permettre de faire émerger les conditions de solutions collectivement discutées et acceptées.
Cette communication n’est pas sans poser des problèmes concrets dans les EPLE. En effet, la confiance que placent les parents dans l’institution scolaire, dans ses personnels, est une condition sine qua non pour l’efficacité du système. A contrario, la défiance instillée médiatiquement par l’exécutif et le renvoi de la responsabilité des dysfonctionnements aux acteurs locaux est dramatique. Le contrat de confiance entre le Service Public de l’Éducation Nationale et les citoyens doit être réaffirmé dans le discours et les actes.
Pour contrer le harcèlement en milieu scolaire, il est indispensable de s’attaquer aux racines du problème. Pour ce faire nous avons besoin d’une politique publique qui permette le renforcement des liens interinstitutionnels Éducation Nationale/Police/Justice, non pas avec des coups d’éclats répressifs, mais pour que, chacun dans le cadre de ses missions, avec des moyens nécessaires et suffisants en personnels et en temps disponible, puisse traiter les situations identifiées dans leur complexité. Pour l’Éducation Nationale, ce sont des personnels dans les établissements, dont des personnels médico-sociaux et de vie scolaire, c’est une amélioration du climat scolaire dans son ensemble, ce sont des effectifs de classe qui permettent des interactions positives entre élèves et la détection des signaux faibles qui sont nécessaires. Ce ne sont pas les mesures annoncées, quelques référents harcèlement au niveau académique, qui permettront une résorption du harcèlement en milieu scolaire.
Il en va de même de la résorption des cours dus aux élèves et non assurés. L’affichage public du remplacement de courte durée comme solution miracle à ce véritable fléau est de la poudre aux yeux. L’ajout dans plusieurs académies, sur les convocations des enseignants aux formations, de la mention que « La participation à cette formation ne doit pas diminuer le temps d’apprentissage dû aux élèves. » est inadmissible. Ici encore, renvoi à la responsabilité des personnels de direction. Voire chantage. La conclusion est-elle : si les enseignants n’acceptent pas le RCD, le chef d’établissement doit alors interdire la participation à la formation ? Quel courage institutionnel !
Au lieu de rendre le métier d’enseignant attractif, tant sur le plan des conditions de travail que des rémunérations, pour permettre les recrutements nécessaires, au lieu de diminuer les heures supplémentaires, ce qui faciliterait le RCD, au lieu d’intégrer les nouvelles missions, telles que devoirs faits obligatoire en sixième, dans les obligations réglementaires de service, … notre ministre et ses représentants préfèrent être dans le porte-à-faux, dans l’injonction contradictoire que les personnels de direction devront alors gérer. Inadmissible.
La demande par notre ministère de remontée hebdomadaire du RCD, notamment via une application privée, participe de cette mascarade. Nous appelons les personnels de direction à ne faire remonter aucune donnée via ce canal. Il nous est demandé de réaliser un bilan deux fois par an du RCD. Tenons-nous à cette disposition.
Le manque de personnels provoque des dysfonctionnements graves
Nous avons connu à cette rentrée un nombre inédit de situations réglementairement fragiles. Nombre d’entre-nous avons eu par exemple l’instruction, souvent orale, de placer des personnels contractuels en fonction avant que le contrat et sa signature n’arrive dans l’établissement. Nous avons connu des situations pour lesquelles la paie des contractuels n’était pas engagée en temps utile, nous avons tous connu des affectations très tardives, après la rentrée dans de nombreux cas, alors que les personnels en complément de service était disponibles… Autant de situations inacceptables dont l’origine est bien souvent due, non seulement à un sous recrutement dans les corps concernés, mais également à un nombre de personnels insuffisants dans les services des rectorats et des DSDEN. La gestion des AED en CDI dont le nombre a fortement augmenté à cette rentrée scolaire est illustratif de cette carence. En effet, leur gestion a bien souvent été attribuée à un service académique, sans affectation supplémentaire de personnel dans le service. Surcharge de travail, impossibilité de répondre dans les temps, autant d’éléments négatifs qui affectent autant les personnels que les EPLE.
Des outils informatiques inadaptés
Malgré les alertes et les analyses portées par les organisations syndicales sur la pertinence, l’ergonomie et les fonctionnalités des outils informatiques, nous constatons que leur déploiement s’effectue sans réelle considération pour les usagers et la dégradation des conditions de travail qu’entrainent ces applications. LPI, OPAL, LIEN, Incluscol, … autant d’exemples dans lesquels les besoins des services et des personnels, la logique même de conception de ces applications montrent l’ineptie de leur conception et la méconnaissance du fonctionnement de nos établissements.
La mise en œuvre des évaluations pour les élèves de quatrième, les dysfonctionnements et difficultés constatées, prouvent une nouvelle fois les faiblesses des outils qui nous sont proposés.
Seule la volonté durable pour développer une véritable intelligence collective, de la conception à la mise en œuvre des systèmes permettrait de lever les difficultés. Seule la volonté durable de prendre en compte la réalité des postes de travail, les besoins des personnels et des usagers pourrait efficacement permettre le développement de solutions numériques ergonomiques et pertinentes.
Pour ce champ de préoccupation également, le dialogue, la concertation, le travail collaboratif seraient nécessaires. Nous en sommes bien loin.
Bienvenue aux personnels de direction stagiaires
Nous aurions pu rêver d’une rentrée plus apaisée pour accueillir nos nouveaux collègues.
Le métier de personnel de direction doit être un beau métier, un métier au service de la réussite des élèves, au service du développement de projets, au service de l’efficacité de l’action collective, au service des élèves, parents, au service de l’amélioration des conditions de travail de tous les personnels des EPLE.
C’est pour cela que nous nous sommes engagés dans cette profession, porteurs de nos valeurs et de nos convictions.
Nous aurons l’occasion d’en échanger avec les personnels stagiaires lors des regroupements à l’IH2EF.
Le snU.pden, au sein de la FSU, fédération majoritaire de l’Éducation Nationale, est un syndicat attaché aux valeurs de la Fonction Publique, à l’intérêt général et à la promotion et défense de notre corps des personnels de direction. Notre positionnement au sein de la fédération nous permet de débattre avec les syndicats enseignants majoritaires, nous permet de prendre des positions prenant en compte tant l’intérêt du corps des personnels de direction que l’intérêt général du système éducatif.
Nous nous sommes exprimés sans ambiguïté contre la hiérarchisation du rapport chef/adjoint, nous nous sommes exprimés sans ambiguïté contre le pacte enseignant, tant sur le fond que sur la forme, nous nous sommes exprimés sans ambiguïté pour une école émancipatrice permettant la réussite de tous et de chacun.
Nous serons heureux de poursuivre les échanges lors de nos rencontres, auxquelles nous vous invitons à participer nombreux.
Igor Garncarzyk
Secrétaire général