porte-parole de l’AMUF (Association des Médecins Urgentistes de France, fédération CGT de la santé et de l’action sociale) :
Le gouvernement annonce un déconfinement prochain. Comment cela peut-il se faire ?
Rappelons d’abord que le confinement a été mis en place faute de tests de dépistage disponibles. Il faut se souvenir de l’impréparation des autorités face à la crise et qui à l’heure actuelle refusent toujours de réquisitionner les entreprises capables de fournir les tests, les médicaments, les protections indispensables à la profession. Dans mon département, nous assistons à des vols de matériel dans les hôpitaux. Matériel qui alimente l’économie souterraine en manque des produits illicites suite au confinement.
Je voudrais aussi attirer l’attention sur le manque de lits de réanimation, nous en avons moins que d’autres pays comme l’Allemagne par exemple. Cette situation est liée à la loi « hôpital, patients, santé et territoire de R. Bachelot. La ministre a jugé que la pénurie de lits serait jugulée par la mise en place de « gestionnaires de lits »…: réponse inadaptée déjà en 2009 et encore moins face à une pandémie.
Après avoir lancé l’idée du déconfinement qui se ferait après avoir testé la population, le gouvernement annonce les tests sérologiques pour cette semaine or ils ne seront disponibles que fin avril. D’ici là, les laboratoires privés vont chercher à se procurer par tous les moyens des tests et les machines nécessaires.
Le déconfinement se déroulera de manière progressive, par région, par âge… une difficulté concernera les jeunes.
Comment cela se passera pour les établissements scolaires ?
Pour les plus jeunes, les cas sont identiques à ceux d’une grippe classique. Mais les jeunes sont vecteurs de la maladie. C’est ce qui se passe en Italie où plusieurs générations vivent sous le même toit. Les enfants contaminent les personnes âgées.
On peut imaginer que les élèves de maternelle et du primaire pourraient revenir en classe avec respect des distanciations ce qui signifie dédoublement des classes et pas de sortie en récréation, discipline qui devrait être acceptée par les plus jeunes. La difficulté concernera les adultes, enseignants et personnels territoriaux. Ceux-ci peuvent être contaminés et développer des formes graves de la maladie.
Pour les collégiens, l’année scolaire risque d’être terminée tout comme pour les lycéens à l’exception peut-être des élèves de terminale.
Une reprise éventuelle des cours ne nécessitera pas de décontamination particulière pour les établissements fermés depuis le confinement. Le virus s’il était présent, a disparu aujourd’hui.
Le recours à un soutien psychologique dans les établissements scolaires est-il une piste envisageable ?
Pour le médecin urgentiste que je suis, je pense que ce n’est pas utile de manière généralisée. Il faut expliquer, discuter mais pas forcément dramatiser à l’excès la situation. Si le nombre de morts est important, il faut souligner qu’il aurait pu être bien pire en cas de virus plus agressif et que toute proportion gardée les épidémies de grippe hivernale entraînent chaque année une surmortalité importante (jusqu’à 15 000 morts en France) qui est largement passée sous silence.
Que penser du traitement préconisé par le Professeur Raoult ? Est-ce une piste porteuse d’espoir ?
Tout d’abord, je tiens à rappeler que le Professeur Raoult est un infectiologue reconnu mondialement. Une partie de la polémique actuelle n’est pas d’ordre médicale mais concerne des relations tendues entre l’ancien directeur de l’INSERM, par ailleurs mari d’Agnès Buzyn, qui voulait que les IHU (Institut Hospitalo-Universitaire) rejoignent le giron de ce dernier. Pour en revenir au traitement préconisé, l’hypothèse est la suivante : si l’hydroxychloroquine (PlaquenilR) est administrée au début des symptômes, la charge virale importante à ce moment-là, baisse rapidement. Ce constat a été fait in vitro ainsi que par les constations faites en Chine. Appliqué à des malades en début de maladie, le traitement empêche l’emballement du système immunitaire. C’est ce dernier qui entraîne la dégénérescence des poumons. Ce protocole est appliqué par certains hôpitaux actuellement dans les conditions préconisées par le Professeur Raoult. Le prescrire aux malades déjà lourdement atteints a peu de chance de les guérir. Bien sûr ce traitement ne peut être appliqué que sur prescription médicale, même si jusqu’en janvier il était en vente libre en pharmacie, son utilisation, comme pour tout médicament nécessite des précautions et un suivi médical. Ce qui est important aujourd’hui, au-delà des polémiques stériles, est de tester l’ensemble des traitements potentiellement utiles sur un nombre suffisant de malades pour en vérifier leur efficacité.
Anne-Marie Guichaoua
Membre du bureau national