Conférence de financement

© Allan BARTE

Une équation impossible

Le premier ministre a donc adressé un courrier aux organisations syndicales. L’annonce reprise en boucle par les médias est « le gouvernement retire la mesure de l’âge pivot ».

Age pivot ou pas âge pivot ?

 La lecture du document permet de constater qu’il n’en n’est rien. Le Premier Ministre écrit : «c’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoira que le nouveau système universel comporte un âge d’équilibre». Certes, Edouard Philippe précise par ailleurs qu’il « [est] disposé à retirer du projet de loi la mesure de court terme qu’ [il] a proposée, consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027 ».

Il est donc clair que pour le premier Ministre il y aura un âge pivot. Seulement, il ne serait pas appliqué tout de suite et concernerait les générations de futurs salariés. Peut-on considérer que le report sur les jeunes générations soit un cadeau que nous leur ferions ? Non, on ne peut se féliciter du retrait provisoire comme le font la CFDT et l’UNSA car c’est l’arbre qui cache la forêt : les décotes et éventuelles surcotes seront pour les jeunes qui entreront demain sur le marché du travail.

La conférence de financement : les salariés dans la nasse ?

L’autre annonce est celle de la recherche de l’équilibre financier du système avec une nouvelle ligne rouge à l’initiative du premier Ministre : pas de hausse du coût du travail. En clair, pas de hausse des cotisations sociales ni des salaires ou traitements…

Ce sont donc les partenaires sociaux qui seront amenés à proposer des pistes pour atteindre l’équilibre en 2027 sous la houlette d’un ancien responsable de l’AGIRC ARCCO…. Organismes où les organisations syndicales salariées et employeurs ont au cours des années passées bloqué la valeur de service du point (2013-2017) malgré l’inflation et introduit, en 2014, un âge pivot à 63 ans (avec malus et bonus à la clé) avec la signature entre autres de la CFDT et de la CFE CGC tout de même!!!

Des pistes sont avancées par certains syndicats réformistes pour le financement, l’utilisation de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) mise en place par A. Juppé pour rembourser « le trou de la Sécu » ce qui aura lieu en 2024. Cette solution n’en n’est pas une puisque le texte créant la CADES prévoit sa disparition lors de l’extinction de la dette…. Autre idée, utiliser le fonds de réserve des retraites créé par L. Jospin. Mais là aussi, les sommes ne permettraient pas de faire face à long terme aux besoins de financement et de plus ce fonds est convoité pour d’autres utilisations, la dépendance par exemple.

Il y a fort à parier que les organisations syndicales et les représentants du patronat ne pourront se mettre d’accord sur le financement dans un tel contexte et qu’au final malgré la pseudo main tendue aux organisations syndicales, ce ne soit le gouvernement qui reprenne la main comme pour l’assurance chômage et passe en force sa réforme, âge pivot immédiat compris par l’utilisation des ordonnances.

Cette lettre n’apporte rien de neuf sur le dossier sinon qu’elle confirme la volonté de l’exécutif à passer en force malgré l’opposition de la majorité des français. Elle n’a qu’un but, braquer les citoyens gênés dans leurs déplacements quotidiens contre les grévistes qui eux luttent pour le retrait pur et simple de cette réforme des retraites et l’ouverture de vraies négociations sur l’amélioration du système existant en jouant sur le niveau des salaires, en favorisant l’emploi, en taxant plus les revenus du capital, en supprimant les allègements de cotisations sociales accordés aux entreprises.

Anne-Marie Guichaoua

Paris, le 13 janvier 2020