Audition devant le comité spécialisé du CSA MEN : conditions de travail

1.    Constat général : un corps malade

Ø  Une situation dégradée par rapport au dernier point de situation en CHSTCT MEN il y a cinq ans quasi jour pour jour.

  • Dernière enquête de Fotinos 2021 :
    • Une dépression significative : 47,53% des PERDIR ont des résultats supérieurs au seuil de 10, ce qui représente des symptômes dépressifs cliniquement significatifs
    • Un stress très présent : • 67,56% des PERDIR se sont sentis nerveux ou stressés.
    • 52,28% ont pensé ne pas pouvoir assumer tout ce qu’ils devaient faire.
    • 75,5% des citations portant sur l’avenir professionnel sont négatives et 25,5%, positives.
  • Audition de M. FOTINOS devant une commission d’enquête sénatoriale sur la victimation des personnels de direction et directeurs d’école :
    • Importance de la victimation des personnels d’encadrement (méconnue et/ou sous-estimée)
    • Parents d’élèves auteurs majoritaires des violences Forte judiciarisation des pratiques des familles Dispositifs signalement et gestion violences denses
    • Autocensure des « victimes », Soutien hiérarchique déficient Traitement « lent » des situations Protection fonctionnelle à revoir Manque de confiance dans l’institution
  • Troisième source : « Bien être des personnels de direction au Québec et en France » 2023
    • Globalement un constat identique d’une situation de travail très insatisfaisante.

Ø  Burn out et situations d’épuisement professionnel

  • le stress qui « survient lorsque l’individu perçoit que les exigences de son environnement excèdent ses capacités à y faire face et, donc, que son bien être est menacé » (Lazarus et Folkman, 1984, cités par Brun, Biron, Martel et

Ivers, 2003, p. 2)

  •  l’épuisement [qui] menace ceux qui se dévouent de manière disproportionnée ⇒ lien avec le statut, la fonction, les pressions, MAIS également l’autoprescription.

Ø  Des situations dramatiques qui ne provoquent pas de réaction à hauteur (décès du collègue à Lisieux)

2.    Temps de travail

  • Les bilans qui ont été publié ces dernières années sont alarmants
  • Temps de travail hebdomadaire entre 50 et 60h pour la très grande majorité des personnels de direction

Rappel : La durée hebdomadaire de travail ne peut dépasser ni 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines, ni 48 heures par semaine. L’amplitude maximale journalière de service est fixée à 11 heures. Le service des personnels de direction ne peut excéder 10 demi-journées par semaine

activer la possibilité d’alimenter le compte épargne temps « en compensation d’astreintes ou d’heures supplémentaires dans des conditions fixées au sein de votre administration par arrêté » (cf. article 3 du décret n°2002-788 du 3 mai 2002 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique hospitalière)

3.    Des causes internes liées aux décisions de notre Ministère

Ø  Situation dégradée des adjoints

⇒ Revenir à l’autorité uniquement fonctionnelle dans la relation chef/adjoint

Ø  Accroissement des missions de l’EPLE

  • Espace autonome de pilotage pédagogique et éducatif, l’EPLE a vu ses missions s’enrichir et s’élargir depuis trente-cinq ans. (préambule de la Charte de pilotage des EPLE)
  • Souvent pour des motifs d’économie d’échelle
    • PIAL
    • UPE2A multi établissement
  • Pour la formation des stagiaires
    • Très grand nombre de stagiaires de la licence aux fonctionnaires stagiaires en passant par le M1 et le M2

⇒ Donner les moyens nécessaires au bon fonctionnement des dispositifs en maintenant les conditions de leur efficacité auprès des élèves, sinon :

Ø  Perte de sens

  • Ex des PIAl, UPE2A et gestion des moyens délégués
  • Réformes et contre réformes, comment argumenter et donner sens, besoin de travailler dans la durée

Ø  Attribution de nouvelles responsabilités souvent en inter établissement

  • Liées aux points précédents (cf. PIAL et UPE2A multi site)
  • Direction d’EPLE en multi sites

Ø  Sous effectifs

  • Absence des personnels de direction qui entraînent surcharge de travail pour les personnels actifs et équipes de direction incomplètes
  • Absence ou non affectation d’autres personnels dans les EPLE

→ Adjoints gestionnaires

→ Secrétariat

  • Sous-effectif dans les services rectoraux et départementaux qui ont des conséquences sur le travail en EPLE
  • Temps pour le travail en équipe et la réflexion (absence de … pris par le reste)

Ø  Relations avec le Ministère et les Autorités académiques

  • Des injonctions paradoxales et des consignes instables
    → exemple mise en œuvre du Pacte enseignant et RcD

→ Devoirs faits 6ème : obligation pour les élèves mais volontariat des personnels enseignants

  • Un calendrier incompatible avec celui des EPLE
  • Une contradiction avec les textes réglementaires : ex
    • Dervoirs faits, obligatoire pour tous les élèves, selon un volume horaire défini par le chef d’établissement
  • Une communication institutionnelle en retard par rapport à la communication médiatique
  • Des prises de décision qui ne prennent pas en compte les impacts systémiques
    • Calendrier scolaire ⇒ conséquences sur l’organisation du travail en EPLE
    • Dates d’examen ⇒ lycée et collège, deux exemples
      • Lycée : Épreuves de spécialité
      • Collège : Dates du DNB (cf 2023/2024)
  • Une insécurisation par un positionnement ministériel non protecteur
    • Difficultés pour obtenir protection fonctionnelle, reconnaissance d’accident du travail, maladie professionnelle
    • Décisions et communication grand public insécure, qui entraîne une perte de confiance vis à vis des usagers
    • Une politisation excessive de la communication ministérielle qui insécurise les personnels, à contrario de l’objectif affirmé.

⇒ Nécessité de travailler sur un temps long

Ø  Évolution de l’équipe de direction

  • Établissement de la relation hiérarchique chef/adjoint
  • Évolution du positionnement de l’adjoint gestionnaire (autorité fonctionnelle de la collectivité et transformation de la fonction d’adjoint gestionnaire à secrétaire général)

Ø  Réformes et contre réformes

  • Avec le dénigrement politique des réformes précédentes et de fait du travail engagé par les équipes
  • Des évolutions du système avec un calendrier qui ne permettent pas de travailler en profondeur

Ø  Injonctions paradoxales et non-respect des textes réglementaires

  • Article R 421-2 du code de l’éducation : 1° L’organisation de l’établissement en classes et en groupes d’élèves

⇒ respecter les textes réglementaires, sans instruction orale ou note de service qui les dépassent

  • Dernière rentrée en constitue le paradigme ⇒ obligation d’enseignement en 6ème (devoirs faits) sans les ressources humaines (volontariat des enseignants déclaré à la rentrée).
    • ⇒ Création de fortes tensions au sein des EPLE et avec les familles ⇒ séquence obligatoire pour les élèves sur le volontariat des personnels d’enseignement
    • ⇒ très grandes difficultés à anticiper les organisations
    • ⇒ impossibilité de travailler sur le fond

⇒ mettre en cohérence la gestion RH et les obligations réglementaires de l’organisation des enseignements dus aux élèves.
(cf. déclaration de la Ministre déléguée à l’enseignement professionnel qui sort les groupes allégés du Pacte enseignant)

Ø  Médecine de prévention

  • Accidents fréquents, notamment cardio vasculaire et cérébraux
  • Fatigue entraînant problèmes médicaux
  • une visite médicale obligatoire pour faire un point sur la santé physique et psychologique à l’entrée dans le métier puis trois ans après chaque nouvelle prise de fonction (proposition CHSCT MEN 2018)

Ø  Outils informatiques ⇒

  • Toujours plus nombreux avec des ergonomies éclatées (cf. ADAGE, Phare, suivi des élèves qui relèvent du handicap, évaluations et certifications, Op@le  … )
  • Des usages de la communication numérique qui renforce la communication d’information au détriment de l’échange.
  • Renforçant les possibilités de contrôle et d’’injonctions (cf. remontée hebdomadaire liées au RCD via un logiciel privé)

⇒ maintenir une remontée des indicateurs à but évaluatif dans un cadre temporel pertinent pour le fonctionnement de l’EPLE et conforme aux compétences et à la communication aux instances (CA)

  • Enquêtes ⇒ toujours aussi nombreuses ⇒ réduire et définir la fonction. Cf dernière enquête sur l’auto évaluation dans le cadre de la prévention du harcèlement.
    • Quel utilité ?
    • Quelle préparation ?
    • Quels outils pour traiter l’enquête ?

Ø  Gestion des carrières ⇒ sentiment de non reconnaissance, d’inégalité de traitement, d’injustice

  • Le dernier bilan des LDG indique
    • le lien très marqué entre affectation et rémunération, contrairement à d’autres corps de la fonction publique ⇒ regard plus sensible sur les opérations de gestion.
    • Nous avons fait remarquer l’absence de transparence dans la préparation, l’exécution et les recours pour ces opérations

⇒ grande sensibilité des personnels de direction à ces opérations, sentiment d’individualisme qui semble se renforcer ⇒ ce qui ne sera pas sans conséquence sur le bien être au travail.

  • Non reconnaissance : ex taux de promotion Hors classe très en deçà du corps des inspecteurs,
  • Opérations de gestion insécurisantes car opaques et non critériées : ex
    • attribution de la part résultats de l’IFRR : quels critères pour être taux 1, 2 ou 3 ?
    • Quotité 50%  taux 1, 30% taux 2, 20% taux 3 ⇒
    • CET = 135€ journée (moyenne 11h ⇒ 12€ par heure travaillée ou 2h rcd !)
    • Mouvement et promotion ⇒ opacité des opérations
    • Recours non argumentés

⇒ retour à consultation des CAP et établissement d’un barème

4.    Relations avec les collectivités territoriales

  • Alinéa 3 de l’article R421-10

« En qualité de représentant de l’Etat au sein de l’établissement, … le chef d’établissement :

Prend toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l’hygiène et la salubrité de l’établissement ; »

  • Est décliné de manière irresponsable : par exemple
    • vérifier la fermeture des robinets (pour les personnels en NAS)
    • Parfois seulement deux logements actés dans les nouvelles constructions (souvent pour CE et adj gestionnaire)

⇒ formaliser le cadre de la NAS et rappeler la stricte interprétation du texte pour permettre des négociations avec les collectivités territoriales dans un cadre explicitement défini et reconnu ;

  • Autorité hiérarchique de la collectivité territoriale sur les adjoints gestionnaires
    • Premières écritures dans les conventions cadres inquiétantes ⇒ Quelles conséquences sur le fonctionnement des équipes de direction et plus globalement sur celui de l’EPLE ?

5.    Des interrogations sur les conséquences à court terme des évolutions en cours

  • Impacts de la volonté ministérielle de placer quasi systématiquement les temps de réunion et de concertation en dehors du temps de présence élève

⇒ quel impact sur la vie démocratique des établissements et de leurs instances

⇒ Quel impact sur un nouvel alourdissement du temps de travail des personnels de direction ?